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L'Archéo-conservateur - Page 4

  • Croire au pire Noël

    2009 touche à sa fin et notre société n'est, elle, pas loin de toucher le fond. Aussi vais-je me livrer avant la trève des confiseurs à une brève revue du pitoyable.

    Un mot d'abord qui sera la seule note positive, sur les belles conditions météo que nous avons eu ces derniers jours et qui ont permis un court moment de laver le gris d'un monde en crise terminale. Un peu de neige et l'esprit des contes de Noël ressurgit pour le bonheur des enfants éternels. C'est bien peu, malgré le plaisir toujours aussi vif à marcher dans la neige et d'apprécier le silence immaculé.

     

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    L'hôtel de Cluny, aux abords de la Sorbonne

     

    Mais les contes de Noël rappellent aussi l'époque victorienne de Dickens et d'Hugo, romantique et belle, cruelle et noire comme la suie. En déambulant le soir dans les vieux quartiers de Paris, sublimés encore par le glacis nival, comment ne pas voir des similitudes entre notre époque et une autre qu'on eut cru un moment révolue à jamais. Le pavé est dur pour les miséreux...

    Voilà que l'hiver hausse le menton donc, pour que le traffic Eurostar s'interrompe lamentablement. Je ne manquerai donc pas de souligner pour ceux qui l'ignoreraient qu'Eurostar est une société privée et que tous les manquements qui ont été mis en lumière ces derniers jours sont typiques d'une gestion orientée vers la rentabilité à tout crin. Voilà pourquoi des problèmes connus, comme l'infiltration des flocons dans le système électrique des rames et les court-circuit qu'elle provoque, ne sont pas traités, au motif des probabilités faibles des épisodes neigeux en Europe de l'Ouest. C'est toujours de l'argent économisé n'est-ce pas ? Je ne parle même pas du traitement des passagers qui n'ont certes pas vécus l'enfer sous terre mais tout de même. Moi qui croyait que dans le privé, le client était roi...Toujours pressé de voir la SNCF complètement privatisée ? Hâte de constater que les problèmes d'entretien de lignes s'accentuent, alors même qu'ils sont déjà notoires aujourd'hui du fait de la séparation entre RFF et la SNCF et la sous dotation chronique depuis, du premier ?

    La privatisation rampante des services publics et notamment de notre bonne vieille société des chemins de fer ont des effets sur notre propre liberté de choix, de plus en plus illusoire dans une démocratie de pure forme. J'avais déjà dénoncé ici l'instauration du yield management à la SNCF. Je viens d'en faire les frais. Contraint pour avoir des tarifs accessibles de réserver l'ongtemps à l'avance, j'ai anticipé un déplacement pour rejoindre ma famille lors des fêtes de fin d'année. Mais il se trouve que par l'impossibilité d'un autre membre de cette famille de descendre également en Limousin, c'est la translation inverse qui va s'opérer. Je vais donc rester dans ma région d'adoption pour Noël et me voilà avec un billet non échangeable ni remboursable sur les bras, obligé d'essayer de le revendre sur E-Bay (avec succès certes) pour ne pas perdre d'argent dans l'affaire. J'ai autre chose à faire, encore une fois que de passer un temps fou à essayer d'obtenir un billet pas trop cher, des mois à l'avance, en anticipant sur des déplacements qui n'ont rien de garantis, et qui plus est d'essayer de le revendre quand je ne peux l'utiliser. Ce système est clairement détestable et je ne suis pas le seul à le penser...

    Mais que vaut l'avis d'un plébéien par les temps qui courent ? Un banquier là je ne dis pas, lui on l'écoute. Plus, on lui obéit. Voilà pourquoi les institutions financières et le système qui va avec ont été sauvés (en apparence seulement) à la vitesse de l'éclair et que notre bonne vieille Terre elle continuera à s'asphyxier avec la fumée toxique des gros cigares indécents de l'élite financière et de ses affidés politiques.

    Copenhague a été un pur fiasco et ce n'est certes pas une surprise. Trois leçons imbriquées peuvent en être tirées. La première c'est que les politiques n'ont clairement plus la main, constat déjà quelque peu éventé. Les lobbies économiques dictent leurs desiderata et les élus obtempèrent le petit doigt sur la couture des pantalons. La deuxième c'est qu'un nouveau bipolarisme s'afirme chaque jour davantage : celui du G2, Chine et Etats-Unis. Ce n'est pas un hasard si je nomme la Chine en premier. Le règne de l'empire américain se termine. Il essaie juste de s'accrocher aux branches asiatiques et n'a plus un regard pour son chien fidèle européen. D'où le troisième enseignement qui est que l'Union européenne n'existe pas politiquement, que Lisbonne comme attendu n'y change rien de rien et bien plus encore c'est le modèle choisi quasiment dès l'origine, d'une intégration avant tout économique, sur un shema anglo-saxon qui est à l'origine de cette transparence internationale. Plus que jamais le non de 2005 paraît justifié de même que ce que portait son expression de gauche, à savoir la rupture avec l'idéologie du tout marché et de la concurrence comme maître étalon d'une société entière, de l'alignement aveuglé avec les Etats-Unis, qui nous maintient dans leur dépendance quasi complète et l'accentue même, enfin, la nécessité urgente d'une véritable constitution démocratique. Cela passe par la réaffirmation assumée de la pertinence d'un modèle de société continental et du nôtre en particulier, lui qui tant bien que mal et malgré la casse qu'il subit tous les jours depuis sept ans, nous fait affronter la première vague de la crise sans trop de dégats, comparativement à certains pays.

    Enfin, comment ne pas parler alors que je cite en référence une façon d'envisager la société typiquement française, fondée sur une recherche de l'égalité, ce débat pestilentiel sur l'identité nationale ? Il ne renvoie qu'aux pires moments de notre histoire et conduit à l'inverse d'une démarche politique intelligente, qui s'attacherait d'abord à interroger le sentiment d'appartenance à une collectivité, ce que précisément, le modèle français, issu de la Révolution, du front populaire et du CNR (donc également produit du Gaullisme) avait su faire d'une façon relativement efficace. La question n'est donc bien entendu pas de savoir quelle identité devrait s'appliquer à tout citoyen mais bien de savoir comment le vivre ensemble peut être promu et perennisé. En vrac, certaines notions complètement absentes du débat aujourd'hui, gagneraient à être rappelées et de nouveau explicitées : la laïcité avant tout, pour ne pas tomber dans le piège grossier et dangereux de l'anti-islam primaire, l'égalité, de droit et de devoir, garanti par la présence d'un Etat fort, centralisé et de ses services publics, un projet politique commun qui ne soit pas entièrement l'émanation d'une idéologie économique en faillite qui précisément détricote le lien social, mais un véritable pari sur l'avenir, sur une évolution sociétale où chacun se sentirait impliqué et bénéficiaire de plein droit, quelque soit son origine. Je crois qu'il n'y aurait alors pas grand mal à se sentir français et à lutter contre des égoïsmes, des recroquevillements qui nous mènent droit à la catastrophe.

    Bien entendu, relater ces épisodes pathétiques de notre quotidien incite à croire au pire Noël. Mais la neige est tombée...

     

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    Neige et toits : émoi...

     

    Je vous souhaite tout de même de passer de bonnes fêtes de fin d'année. A bientôt en 2010 !

     

    V

  • Don violent

    Nous sommes au lendemain de la grand-messe du charity business à la française et pour la première fois depuis ses débuts il me semble bien, le total des dons est en baisse, entrainant la consternation indécente, dans le contexte actuel, des petits soldats de la communication AMFienne. C'est que la crise (rappelée du bout du bout des lèvres par quelques participants) et la polémique Bergé sont passées par là.

    Etre surpris que les français aient plus de peine à se mobiliser financièrement quand le chômage touche officiellement 10% de la population et que la précarité s'étend quasiment à toutes les formes d'emploi relève bien entendu de plus totale hypocrisie. Mais la comm' interdit de souligner le contexte, ce serait un signe négatif, une incitation à dédouaner le citoyen de son oeuvre de solidarité annuelle. Peu importe qu'il n'ait plus qu'une chaussette à donner, il faut qu'il fasse son devoir. Il n'est donc pas étonnant de voir un sinistre connard comme Nagui exprimer son désapointement et répondre à la nuance que lui oppose une co-animatrice, lui rappelant justement le contexte économique, que ceux qui n'auront pas donné seront seuls avec leur conscience. Le degré quasi-ultime de la culpabilisation luthérienne : on croirait assister à un prêche baptiste tout droit venu d'une communauté fondamentaliste nord-américaine...Mais rien d'étonnant à cela puisque d'une part le Téléthon est une manifestation venue d'outre-atlantique, pays bien connu pour son idée de la solidarité (chacun pour sa peau et personne pour les impôts) et d'autre part, j'avais déjà l'année dernière eu l'occasion de stigmatiser les méthodes désormais résolument marketing utilisées par l'AFM pour lever ses fonds. Par ailleurs, je vous renvoie sur cette question, à un excellent billet sur la question paru sur le blog des NRV :

    http://levillagedesnrv.20minutes-blogs.fr/archive/2009/12/03/tel-les-thons-c-est-reparti.html#comments

     

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    La deuxième anicroche déstabilisante pour le cantique de la générosité artificielle, c'est bien évidemment Pierre Bergé qui en est à l'origine, lui qui a, sans doute pour de mauvaises raisons, énoncé une vérité imparable, à savoir que le Théléthon est un ogre médiatique qui phagocyte non seulement la générosité des français, mais bien plus que cela, participe à l'annihilation de tout autre effort de solidarité et notamment le plus crucial, le plus fondateur de nos sociétés, à savoir l'impôt. Le favori de feu Saint-Laurent est certes juge et partie puisqu'il a lui même sa petite société privée d'aide aux malades, le Sidaction, qui se fait allègrement marcher dessus par le géant du fonds d'investissement caritatif. Mais précisément, sa dénonciation a le mérite d'identifier la nature et le cadre de fonctionnement de ces associations, rappelons le, privées : la concurrence féroce et le capitalisme le plus violent qui soit, celui qui s'effondre depuis déjà deux ans sous les yeux torves de masses plus ou moins décérébrées. Nous assistons en effet à une guerre des victimes, par l'entremise de leurs vitrines médiatiques et de leur champion mutuel, assigné à la récolte d'argent. Il n'y a pas de quartier dans cet affrontement et comme d'habitude ce sont toujours les mêmes qui payent : les plus faibles, ceux qui ont le moins de moyens. Pendant ce temps, les dominants eux, se délectent de voir que leurs propres méthodes de vautour sont érigées en principes solidaristes par ceux qui ont font les frais quotidiennement, au travers de l'abandon de la véritable solidarité institutionnelle, précisément celle qui ne peut exister sans l'impôt, sans la volonté collective.

    Résultat: pendant que la cause des thérapies géniques, qui en vaut bien une autre, mais pas davantage, canalise les dons et agit comme un réceptacle à bonne conscience et une machine à pénitence, les pouvoirs publics se défaussent de leurs prérogatives et détruisent consciemment le système de santé public (probablement le meilleur du monde il n'y encore pas si longtemps) et en général toutes les formes de sécurité sociale, au travers de la casse du service public. Le pire est que cela se fait avec l'assentiment des catégories moyennes et populaires, à coups de matraquage idéologique surfant sur l'individualisme de plus en plus marqué des gens. Car il ne faut pas s'y tromper, le Téléthon est le triomphe du chacun pour soi, en aucun cas de la solidarité. Pour un petit myopathe sauvé, peut-être qu'un pauvre bougre sans argent mourra bêtement de la grippe parce qu'il n'y aura plus d'hôpital pour l'accueillir. La jungle et la loi du plus fort comme aboutissements de l'effort collectif ?

    Le néolibéralisme aura donc réussi à transformer un acte parmi les plus pacifiques en vecteur de la lutte de tous contre chacun. Il aura institué le don violent...

     

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    P.S : Au fait, n'ayant que très peu regardé l'émission, je pose une question : a t'on entendu parler des banques ? Ont-elles, toutes contrites et confuses, délégué des émissaires pour apporter de gros chèques de plusieurs milliards pour aider la cause (et la leur du coup) ? Je rappelle que pour 90 millions de dons, la majorité provenant de foyers aux revenus moyens, voire bas, les sommes mobilisées par l'Etat français pour sauver le système financier se montent à au moins 360 milliards d'euros. No comment...

  • On refait le match !

    Bien entendu, tout cela n'est qu'anecdotique face aux sujets importants comme la crise qui contrairement à ce que la pensée unique voudrait faire croire, continue à étendre son emprise, ou l'action consternante du gouvernement, à travers notamment ce piteux débat sur l'identité nationale. Pourtant, il s'agit d'un évènement significatif sur le strict plan sportif et illustratif également de certaines tendances sociétales.

    Je parle bien évidemment du match de barrage entre la France et l'Irlande, concernant la qualification pour le mondial de foot. Une partie calamiteuse de la part de l'équipe française, conclue par un but non valide suite à une tricherie grossière de Thierry Henry. Résultat : une élimination totalement injuste de l'Irlande qui certes n'était pas qualifiée au moment du but, si le résultat s'en était tenu là, mais qui avait pendant tout le match, bousculé des joueurs tricolores complètement inhibés par l'enjeu et auteur d'une prestation proprement ridicule, indigne d'un grand pays de football et à fortiori d'une compétition réunissant l'élite mondiale de ce sport.

    C'est un sentiment de honte et de gêne qui m'étreint aujourd'hui, corollaire d'une part, d'un niveau de jeu insigne, indigne, insipide, de l'équipe que je supportais, d'autre part du geste plus que volontaire de l'attaquant français qui ne fait qu'insister sur l'incapacité de cette équipe à disposer d'un adversaire pourtant en théorie largement à sa portée. Le fair-play n'est pas une notion facultative en sport et il a été cruellement absent dans le camp français et ce n'est pas dans notre culture. Voilà pourquoi je me sens floué et honteux aujourd'hui car ce petit scandale bénin car ne relevant que du sport, s'ajoute à différentes atteintes à  certaines valeurs auxquelles je tiens et qui caractérisaient notre pays.

    Quid aujourd'hui et surtout depuis que la droite gouverne ce pays depuis 2002, du panache, de la droiture, de l'égalité et de la fraternité, bientôt de la liberté, de la solidarité, de l'hospitalité ? Autant de caractères en déshérence quand ils ne sont pas simplement foulés aux pieds. Finalement, quoi de plus représentatif de l'ambiance actuelle que ces petits soulagements mesquins après le coup de sifflet final, de Domenech l'incompétent, qui en deux ans ne s'est toujours pas attelé au chantier de reconstruction d'une défense bleue qui fait pitiée, qui réussit l'exploit de faire déjouer Gourcuff en lui imposant probablement un positionnement et un shéma tactique complètement inapproprié à ses qualités, qui n'est strictement pour rien dans l'émergence d'un gardien de haut-niveau (Lloris), de la direction de TF1 qui a sans doute pensé qu'on aurait pu tricher plus tôt, de tous ces politiques qui se cachent derrière tous les paravents pour mieux faire oublier leur responsabilité dans la crise et leur gestion déplorable d'icelle. Ce match est le témoin d'une France qui rapetisse pour se mettre à l'échelle de son président minuscule.

    Plus que jamais à mon sens, la fin ne justifie pas les moyens, que l'enjeu soit important ou beaucoup plus superficiel, comme pour ce match de foot. L'Irlande s'en remettra certes. Elle a d'autres chats à fouetter, par exemple redresser son économie plombée par des choix ultra-libéraux qui ont donné pleine prise aux conséquences de la crise. Mais elle ne méritait pas d'être éliminée de la course au mondial de cette façon, par des amis français de moins en moins recommandables, après 120 mn exemplaires de la part de ses compétiteurs. J'espère que tout le monde aura noté la dignité avec laquelle ils ont accepté ce coup du sombre héros (jeu de mots footballistique). En 82, je me souviens aussi de la tristesse noble des Platini et associés après un autre acte d'anti-jeu caractérisé. Dans ce cas là, on gagne nettement à être du côté des perdants...

    Dans un monde idéal, il faudrait rejouer cette partie. L'équipe de France ne pourrait que s'y racheter, notre pays regagner un peu de dignité, y retrouver un peu de l'identité qu'il cherche ailleurs à des fins funestes...

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    Le tricheur à l'as de carreau. Georges de la Tour
  • Anarchy in the UK

    Opération exhumation d'une ancienne chronique aujourd'hui, puisque contre toute attente, l'Automne et son contexte béni des muses n'arrive pas à m'extirper de ma flemme et à m'inspirer quelques lignes originales.

    Je ressors donc un ancien texte au sujet de deux livres excellents de Jonathan Coe. Néanmoins, il y a des liens avec le contexte puisque il s'agit de romans à la fois puissamment nostalgiques (et quelle autre saison que l'Automne se prête t'elle mieux à la mélancolie du temps ?) et politiquement très critiques d'un certain néolibéralisme (vous voyez, je retombe toujours sur mes pieds)

     

     

    No future !

     

    A la fin des années 70 en Angleterre, quelques excités en panne de repères voulaient couler l’avenir avec l’énergie brute de leur musique. Mais aux punks comme aux autres Miss Maggie a construit un futur de sa main de fer, broyant et éliminant sans un remord.

     

    51Y6VM4TM3L._SS500_.jpgBienvenue au club, premier roman du diptyque complété par Le cercle fermé, de Jonathan Coe, relate les quelques années qui précèdent l’arrivée de Margaret Thatcher au pouvoir au Royaume-Uni. Sur un fond éminemment politique et très critique, c’est l’histoire de quelques adolescents, de leur amitié, de leurs amours, de leurs réussites et de leurs échecs qui s’écrit au fil des pages, le second tome plantant le contexte 20 ans plus tard.

     

    Birmingham au milieu des seventies. Benjamin, Philip, Claire et Doug fréquentent le même lycée privé, King William dont les vieilles pierres s’accordent à la grisaille de la cité industrielle du centre de l’Angleterre. C’est un des deux lieux symboles de l’histoire, avec l’usine automobile de Longbridge dans laquelle travaillent Bill et Colin, les pères de Benjamin et de Doug. A l’époque les syndicats sont encore bien vivants et Bill Anderton en est un des principaux responsables dans la structure, alors que Colin Trotter en tant qu’ingénieur se rallie le plus souvent de façon pragmatique à l’avis de ses supérieurs quand il y a des conflits.

    Dans ce petit monde immobile et pourtant bien vivant, un frémissement commence à se faire sentir, des tensions naissent des nouvelles formes de gestion des entreprises, de l’afflux des immigrés, du conflit anglo-irlandais. Un désir de changement et de reprise en main monte doucement, comme à chaque fois qu’une population se sent fragilisée. On connaît la réponse radicale qu’y apportera Thatcher.

    C’est dans cet arrière-plan traduit avec la plume engagée et humaniste de Jonathan Coe que se débattent les personnages principaux du roman, les jeunes avec leurs préoccupations d’ados en quête d’identité, les parents avec leur vie d’adulte pas toujours aussi fluide qu’ils le voudraient.

     

    Benjamin Trotter, la figure majeure du livre est un garçon rêveur, idéaliste, romantique, introverti, compliqué et artiste, génie potentiel trop perfectionniste pour accoucher de quoi que ce soit. Il est amoureux de la belle Cicely, demi-déesse pour tous les jeunes mâles du lycée, mystérieuse et reine du club de théâtre. Benjamin ne pense qu’à elle, en est fou et bien entendu ne lui a jamais adressé la parole. Tout juste s’autorise t’il à l’admirer du coin de l’œil quand il attend le bus et qu’elle attend le sien. Il est de loin mon préféré de la bande...

     

    Paul, son frère, qui prendra une place plus importante dans Le cercle fermé, est une petite teigne supérieurement intelligente, d’un cynisme et d’une dureté impressionnante pour son âge, potassant à 13 ans des traités d’économies et défenseur de l’ultra-libéralisme. On le retrouvera sans surprise finalement pour qui connaît la politique anglaise, dans le New Labour de Tony Blair, vingt plus tard. Une petite ordure opportuniste mais indispensable au récit.

     

    Philip est le meilleur ami de Benjamin. C’est une personne discrète et équilibrée qui se rêve musicien et veut former un groupe de rock progressif avec son pote. Ce sera l’éternel et cahotant fil rouge de Bienvenue au Club. Cela cerne situe bien le décalage des personnages, amoureux de musique planante et sophistiquée, rêvant de symphonies déstructurées, au moment où le genre va se faire marcher dessus par les rangers mal cirées des keupons.

     

    Claire est une jeune fille banale sans être quelconque. Elle ne sait pas qu’elle est le fantasme secret de Philip. Mais elle n’a d’yeux que pour l’éthéré et taciturne Benjamin. Elle sera confronté à la disparition mystérieuse de sa sœur adorée, qui lui provoquera un manque affectif incurable.

     

    Doug en bon fils de syndicaliste est un révolté qui veut changer la société. La raconter aussi. Voilà pourquoi il se destine au journalisme dont il fait l’apprentissage au fanzine du lycée auquel collabore aussi Benjamin et Sean Hardings, forte tête du lycée, auteur compulsif de blagues inénarrables mais au goût parfois douteux. Anderton fils est le protagoniste le plus déterminé du roman, celui qui trace sa route de la façon la plus rectiligne. Mais comme pour les autres, la vie lui réservera quelques contrariétés ou contradictions. Que dire d’un syndicaliste systématiquement attiré par la haute société, notamment ses représentants femelles ?

     

    Autour de ces quelques adolescents gravitent d’autres personnes, toujours aussi bien ciselées (comme Cicely) par l’auteur sensible que se révèle être Jonathan Coe. Il nous déroule une trame bien commune puisque rares sont ceux qui n’ont pas vécu au moins une petite part de cette existence au sortir de l’enfance, plongés dans les affres et les joies de la scolarité secondaire, devant assumer les échecs sentimentaux cruels ou célébrant les conquêtes féminines triomphantes, quand on ne sait pas encore qu’à Austerlitz succède Leipzig, voire Waterloo. Combien de romans et de films se sont penchés, attendris ou amers sur cette époque de la vie ? Est-ce à dire que Bienvenue au club est un ressassement de plus sur le même thème de l’innocence perdue ?

     

    Que nenni, que nenni, mes fidèles lecteurs !

     

    Tout d’abord, l’originalité du livre tient à son fond socio-politique. C’est un régal de voir dépeint le contexte de la fin des années 70 en Angleterre avec un trait si corrosif et si peu victorien. Coe se fait le pendant littéraire de Ken Loach pour vilipender l’installation progressive des idées néolibérales. Ses descriptions des mentalités lassées de l’action larvaire des travaillistes et inquiètes des changements économiques et sociétaux tels que les restructurations d’entreprises, l’immigration, le terrorisme irlandais dessinent en filigrane l’épouvantail Thatcher.

    Rarement dans un roman, le contexte n’aura été aussi fondamental, s’invitant souvent sur l’avant-scène du récit, que ce soit pour mettre sous les projecteurs une lutte syndicale, une manifestation, un attentat (dont un aura des conséquences dramatiques sur la vie de la sœur de Benjamin, Lois ), un groupuscule raciste,…L’auteur s’y livre avec une jubilation parfois cynique, souvent indignée, toujours incroyablement lucide et acérée. Bon bien sûr, si vous êtes conservateurs, que vous collectionnez les discours originaux de la dame de fer et ses posters en quatre par trois ou que vous êtes atteints de cette grave affection qu’est le nabotisme (présidentactuellisme si vous préférez) , vous goûterez sûrement moins à la critique. Mais pour être franc, ce n’est pas trop mon problème…

     

    41Go+tyx6dL._SS500_.jpgDans le Cercle fermé, l’analyse se fait encore plus acide quand apparaît la trajectoire des principaux protagonistes, que les compromis suintent de leurs combats bravaches pour une réussite qui se révèle la plupart du temps absurde et incapable de réparer les erreurs de la vie. Il faut dire qu’en plus le blairisme ambiant s’y prête idéalement, symbole de la trahison des idéaux et plus généralement, des principes. Seul Benjamin s’y révèle inexorable et inchangé, ce qui bien entendu en fait toujours le moins serein de tous…

     

    Ensuite c’est le style et la forme qui retiennent l’attention. Les deux romans sont très structurés et imbriqués l’un dans l’autre, l’histoire dessinant des boucles successives dans un sens pour le premier livre, dans l’autre pour le second. Vous ne comprenez rien ? Vous comprendrez en lisant…

     

    L’écriture de Jonathan Coe est très fluide, finement sculptée sans être compliquée. Ce n’est pas une prose poétique mais le lyrisme y fait des apparitions toujours habiles et émouvantes. On notera que le dernier chapitre de Bienvenue au club est composé d’une seule phrase, de cinquante pages donc. Je ne suis pas mort asphyxié en la lisant donc un expert assermenté pourra facilement conclure que le procédé a totalement été maîtrisé.

     

    Surtout, c’est souvent vraiment drôle, l’auteur ayant le sens des petites anecdotes rigolardes, absurdes ou décrivant bien le ridicule d’une situation. En tout cas, j’ai souvent ri, ce qui n’est pas si fréquent à la lecture d’un roman et pas seulement parce que ce pauvre Benjamin vivait des expériences embarrassantes qui n’étaient pas sans me rappeler certains vécus.

    En parallèle, de nombreux passages du récit sont très émouvants, touchants voire parfois très tristes. Le thème du temps qui passe et les rétrospectives se prêtent évidemment bien à la mélancolie, que je continue à manger sans faim (et sans fin).

     

    Pour finir et de façon plus personnelle, ces deux romans m’ont touché parce qu’à quelques exceptions près (la religion notamment), l’aîné Trotter me ressemble énormément ce qui a bien entendu facilité l’immersion dans le roman et au fil de la lecture, développé le parallélisme des perspectives, un œil sur le bouquin, un œil sur mon passé…J’ai été touché par la sensibilité de l’auteur, son inclination pour la contemplation et par cette histoire d’amour idéaliste qui fait le ciment de l’œuvre. En outre, le discours de Coe sur la vie et sur le peu de contrôle que l’on peut avoir sur les évènements qui peuvent la déterminer, sur ces erreurs que nos aînés ont commises et qu’en ayant par tous les stratagèmes choisi d’éviter (ou pas), on embrasse un jour au coin de la rue, je le partage en bonne partie. Peut-être me rassure t’il d’une certaine manière quand il montre qu’avancer ou attendre conduit parfois à la même satisfaction, que cela dépend juste des personnes, que des pertes de temps apparues préjudiciables sur le moment s’avèrent décisives positivement pour une destinée alors que des actes volontaires la sabotent avec du recul. Et inversement…

     

    Parce que l’existence est comme cette péninsule du nord du Danemark où la famille Trotter a passé un été ses vacances : un endroit d’une beauté hypnotisante, où deux mers se rejoignent, en mélangeant leurs rouleaux puissants au ciel baigné de la lumière paille d’un soleil lointain, un lieu irrésistiblement attirant où l’on se noie si facilement. Incroyablement beau et perfidement dangereux…

     

    Mes deux romans de 2006 sans aucune contestation possible, avec Lunar Park de Bret Easton Ellis juste derrière. Ils m’ont procuré un plaisir de lecture que je n’avais pas ressenti depuis longtemps, alors que je suis plutôt bon public, c’est dire leur qualité.

     

     

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    Rha, l'Automne, ça aurait du m'inspirer quand même !

     

     

  • Crise en thème

    Voilà que l'Automne arrive et que l'on en est à la deuxième année de cette crise sans précédent depuis la dernière guerre mondiale. Heureusement, nous disent nos loyaux représentants politiques, le problème est en voie de règlement et de résorption. Pour le moment, seuls les financiers les croient, pour la bonne raison qu'ils sont à l'origine plus ou moins, de ces paroles de réconfort économique. Tout va bien, laissons les reprendre leur gavage de profits, désormais accompli sur fonds publics, ce qui creuse démesurément les dettes, ce qui entrainera inéluctablement des hausses d'impôts et la réduction des dépenses sociales, avec effet induit d'enfoncer encore un peu plus les catégories populaires et la consommation, donc d'aggraver la crise.

    Mais pour qui veut bien prendre la peine de se renseigner, le regard se porte vite vers le large et abandonne les malheureux premiers noyés qu'a laissé la première vague du tsunami financier. Il s'avère en effet que la situation du système est encore pour le moins fragile et sujette à caution, pour euphémiser.

    Non seulement les actifs toxiques sont toujours aussi opaques à toute recherche, dénombrement et traitement curatif, à tel point qu'on préfère les glisser sous le tapis en enjolivant les comptes à coup de changement de règles comptables, ou les ensevelir sous les liquidités accordées sans compter par les banques centrales, mais de l'autre côté du système, le chômage augmente implacablement, alimenté par les défaillances d'entreprises en hausse, alimentant l'insolvabilité qui pousse les banques à la faillite, fragilisant encore plus le monde de la finance. Le cercle vicieux se referme...

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    Les USA, instigateurs et principal moteur du capitalisme financiarisé qui domine le monde depuis le milieu des années 70 n'ont jamais été aussi près de mettre les deux genoux à terre : leur dette publique est faramineuse, les chinois qui en possèdent une large part s'en désengagent doucement mais fermement ; la dette privée est également arrivée à un point maximal, conséquence logique d'un tassement continu des salaires qu'il a fallu compenser par le crédit pour nourrir la consommation, pilier du système. Le pays n'a quasiment plus de marge de manoeuvre et ne compte plus que sur ses affidés (c'est à dire la quasi totalité des pays occidentaux, qui perdraient autant que lui à sa chute) pour cacher du mieux possible la vérité. Lucide mais funeste pari, notamment pour l'Europe qui, si elle s'en donnait les moyens pourraient échapper à un déclin inéluctable, à condition de tourner le dos à une orthodoxie économique dont la créature ne survit plus que par acharnement thérapeutique. Malheureusement et loin s'en faut, l'Union n'en prend pas le chemin et la ratification par l'Irlande du traité de Lisbonne pourrait bien être la dernière victoire à la Phyrrus des européistes avant liquidation totale du projet par obstination idéologique (celle qui a attaché depuis les origines, le boulet du libéralisme économique à l'Europe)

    D'aucuns comptent sur la Chine pour sauver la forme actuelle du capitalisme. Quand bien même arirverait-elle à créer véritablement un marché intérieur, elle ne ferait qu'accélerer la chute de l'occident, du moins de ses populations, les multi-nationales elles pouvant tranquillement migrer où bon leur semble, ce qu'elles ont déjà largement fait du reste. En tout cas, nul espoir pour les occidentaux de développer leurs exportations grâce à la Chine qui a maintenant les moyens d'alimenter elle-même son marché, grâce notamment aux nombreux transferts de technologie consentis par les entreprises de l'Ouest et par ses propres progrès scientifiques et techniques.

    Il semble que la domination de l'Occident se termine mais peut-on penser raisonnablement que cela ira sans heurts ?

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    Vouloir maintenir coûte que coûte le système est le pire des choix pour l'éviter alors que l'Occident a encore la force et les moyens en changeant de paradigme social et économique de peser sur un ordre mondial afin de l'équilibrer. Les propositions ne manquent pas afin de stabiliser le système financier depuis la nationalisation de certaines banques  (dépôt et crédit) jusqu'à rendre inattractives les opérations financières exigeant des retours sur investissement trop élevés pour ne pas fragiliser l'économie réelle (notamment le financement par levier mais aussi les rendements actionnariaux supérieurs à 8% par exemple. Une mesure comme le SLAM de Frédéric Lordon va dans ce sens, tout comme la proposition d'interdiction des paris sur les prix de Paul Jorion)

    Malgré tout il est bien difficile d'être optimiste aujourd'hui tant les relais politiques qui pourraient se saisir des alternatives proposées, à savoir la gauche en général sont au mieux en pertes de repères ou chroniquement entravés par une parcellisation et mésentente coupable, quand ce n'est pas totalement corrompus par des renoncements complets voire des sympathies envers les idéologies les plus libérales. La débâcle de la social-démocratie dont le score piteux du SPD allemand vient encore d'apporter un témoignage parlant, n'est pas à chercher plus loin que dans sa dérive à droite et son acceptation d'un monde au moment où il s'écroule. La victoire apparente des droites elles, si l'on écarte le chiffre pourtant crucial des abstentions, souvent des classes populaires résignées, n'est due elle, qu'au classique recours quasi pavlovien au maintien de l'ordre, alors que celui-ci est pourtant déstabilisé par les politiques néolibérales menées par les droites et gauches de gouvernement depuis trente ans. La logique des votes n'a parfois rien à voir avec la logique...

    Le mur se rapproche donc et les espoirs de l'éviter s'amenuisent. D'un côté il semble qu'un monde nouveau ne soit pas possible sans l'effondrement de l'ancien, de l'autre comment ne pas vouloir s'épargner un chaos dont personne ne peux prédire les effets dévastateurs avant que la création ne reprenne le dessus. Guerre, dictature, les deux ?

    Y a t'il aujourd'hui des courants de pensée philosophiques résolument novateurs qui pourraient porter une contestation, une révolution ? D'aucuns voudraient réssusciter ou plutôt redéfinir le communisme, le vrai, celui de Marx, celui que prend pour hypothèse plausible un Alain Badiou. Je n'y crois pas, à la fois intuitivement et en raison de contradictions ontologiques dans ce discours : comment le communisme peut-il naître de l'individu, même sous la contingence de nouveaux rapports de production (c'est à dire différents de ceux du capitalisme qu'on suppose effondré) ? Or le communisme étatique a prouvé sa toxicité. Pour ma part je tiendrais beaucoup plus à une sorte de néo-jacobinisme structurant, porté par ses valeurs morales transcendantes, soucieux de réaliser un équilibre (forcément fragile, temporaire, donc à renouveler, et bien imparfait) entre liberté et égalité, étendu à l'échelle du continent. Mais force est de constater que nul intellectuel à ma connaissance ne porte ce message aujourd'hui, ne cherche à explorer à nouveau le chemin de la troisième voie. La France avait presque réussi à la trouver mais la social-démocratie, notamment grâce à ses éléments les plus cyniques, comme Tony Blair, probable futur président du conseil si le traité de Lisbonne est entériné, s'est ingéniée à la pervertir.

    La seule quasi certitude qu'il nous reste à ce jour est que le système est touché à mort. J'anticipe sa disparition, sans en porter le deuil, en mettant la crise en thème ...

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    Quelques liens pour obtenir des informations et notamment des chiffres sur la poursuite de la crise (n'hésitez pas à lire les commentaires des articles, souvent très informatifs) :

    http://www.pauljorion.com/blog/

    http://blog.mondediplo.net/-La-pompe-a-phynance-

    http://www.nouvellegauche.fr/blog/2009/09/29/comment-sortir-du-piege/

  • De l'autre côté du Sud

    Avant de revenir sur la crise dont le pire est donc, une nouvelle fois, derrière nous (tu parles, Charles !), je vous soumets quelques clichés d'un petit séjour estival et amical dans le Sud-Ouest, qui a tranché agréablement avec la presque routinière villégiature dans la belle, mais un peu fréquente, Provence. Malgré la relative somnolence repue de mes amis (que je salue :oB), la campagne haut-Garonnaise et Tarnaise a su me séduire. Des ondulations dorées des blés moissonnés aux croupes ruisselantes de vignes du gaillacois, en passant par le semis des cités qui s'abritent derrière le rose cuit de la brique, la région est attrayante. J'ai apprécié cet éclat de la mosaïque de nôtre pays, qui sait conjuguer comme nulle part ailleurs sans doute, l'ailleurs avec le chez-soi. Loin des foules agglutinées, la saveur s'apprécie d'un ciel piqueté des lueurs d'hier, dans le calme tiède et profond d'une nuit au milieu des champs, juste effilochée par les appels aigus des chats-huant.

     

     

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    Porte à porte en la cathédrale d'Albi

     

     

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    Non mais Qui a choisi la tapisserie ?

     

     


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    Cathédrale ou place forte ? Les deux...



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    Sainte-cécile, elle en impose !

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    De la belle ouvrage.


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    Ors et lumières...


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    La modeste bicoque en brique de l'évêque, aujourd'hui musée Toulouse Lautrec.


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    Après la cathédrale en brique, le palais épiscopal en brique, le pont en... ?


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    Le package : cathédrale, palais, et le Tarn en bonus. Allez, j'y ajoute une petite fleur. Vous n'aurez pas mieux sur le marché.


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    Groaaarrrr !


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    Douce Fraaanceuh !...


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    L'église d'Azas s'extirpe du jardin



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    Un des portes de Cordes, enfin, derrière le laurier.

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    Une autre porte de cordes, enfin derrière le laurier.


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    Cordes à la lanterne


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    Décor de Cordes


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    On a toujours plusieurs arcs à Cordes


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    Oui j'aime bien les paysages et alors ?


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    J'fais c'que j'veux d'abord !


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    La grand-place de Cordes sur Ciel


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    -Ah tiens, les fameuses fenêtre à meneau !
    -A qui ?
    -Non, laisse tomber...


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    Ah oui au fait : Cordes est un village médiéval.


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    Confirmation...



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    L'église fortifiée : on est pas dans le pays albigeois pour rien.




    Voilà, c'était un aperçu du Sud d'à côté, qui mérite d'être accosté...
  • L'ombre du Panama

    Voilà quelque temps que l'idée me trottait dans la tête, j'en travaillais du chapeau : il me fallait un couvre-chef, mais pas n'importe lequel, je voulais un Panama fedora. Il se trouve que la galurin est assez mode en ce moment, mais étant assez loin d'être une fashion victim, là n'est pas la raison de mon envie de sortir couvert (de temps en temps). Le Panama qui vient comme tout le monde le sait n'est-ce pas, puisque son nom l'indique, d'Equateur, est avant tout un symbole de classe et d'élégance auquel Paris doit son surnom argotique de Paname, en référence aux gens bien nés qui l'arboraient sur les grands boulevards au début du siècle dernier. Mais aujourd'hui toutes les têtes peuvent s'orner sans distinction de classe, le gavroche sur une caboche de faux rebelle friqué, le Panama sur le melon d'un gauchiste invétéré comme votre serviteur.

    Mais qu'il soit de Cuenca ou de Montecristi, Borsalino, Stetson ou sans marque, le Panama c'est surtout le symbole du voyage, de l'été et des souffles tièdes. Alors qu'il soit associé au lin dandy ou à une livrée plus urbaine, c'est un brin d'évasion et de charme que j'avais envie d'arborer quitte à passer pour un americaing ou un parigô dans le pays de Cocagne où j'ai passé quelques jours de vacances fin Juillet. N'est pas Bogart qui veut mais je ne m'en sors pas si mal d'après ce qu'il se dit...

    Cela dit, si je voulais ce chapeau et pas un autre, c'est aussi parce que je l'imagine depuis quelques années couvant comme un trésor des boucles d'or. Tu m'avais dit en vouloir un et je t'avais rêvée, coiffée du chapeau blanc à bandeau noir au pont d'un paquebot, le regard au lointain, la moue obstinée, en partance pour un ailleurs mystérieux d'où tu n'es pas revenue...

    De jolis souvenirs fleurissent à l'ombre du Panama...

     

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  • Interlude

    N'ayant que bien peu d'inspiration et de courage en ce moment, je vous livre une nouvelle déjà ancienne, dont le vieil adolescent que je suis est le modeste auteur. Soyez indulgents ! Ou pas...

     

     

    Les liens du sang.doc

     

     

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    Ce n'est pas trop de saison mais c'est pour vous mettre dans l'ambiance.

     

     

  • Sonner la retraite

    Chacun aura remarqué le travail de préparation du gouvernement au fait que le temps de travail devra inéluctablement augmenter pour que notre modèle social soit préservé. C'est-à-dire que parmi la seule solution proposée au débat, c'est-à-dire l’allongement de la durée de travail, sur une journée, une semaine ou une vie, c’est celle-ci qui va être privilégiée et donc détruire implacablement un modèle social avec pour but de le préserver. Vous suivez ? Oui bien entendu, c’est encore une fois une escroquerie intellectuelle grosse comme une maison à 100000 euros. La droite décomplexée en a l’habitude depuis les incantations de son chef pour le « travailler plus, pour gagner plus » dont nombreux sont ceux qui auront constaté douloureusement l’invalidité tant économique que sociale, pour peu qu’ils en aient gobé le traître mot (c’est le cas de le dire).

     

    Mais puisqu’il n’y a pas d’alternative alors il faut, après avoir poignardé dans le dos les 35h, dézinguer la retraite à la mitrailleuse lourde, si possible dans un couloir. L’âge légal de départ devrait être bientôt fixé à 67 ans, c’est en tout cas le souhait du gouvernement, qui en débattra entre gentlemen avec les partenaires sociaux. Nul doute qu’un consensus raisonnable sera alors trouvé pour légitimer ce recul à 70 ans ou peu s’en faut.

     

    Il devrait être évident à tout le monde que reculer le temps du départ à la retraite dans un contexte de chômage fort est une hérésie socio-économique. Les jeunes arrivent de plus en plus tard sur le marché du travail et les entreprises ont du mal à conserver les gens après 55 ans. Quand dans le même temps, on augmente la durée des cotisations pour bénéficier de pensions à taux plein, là aussi en ayant balayé le spectre des solutions à raison d’une et d’une seule, la conclusion logique et pour le coup là assez imparable et que peu d’entre nous pourrons bénéficier d’une retraite véritable, soit parce qu’elle viendra trop tard, soit parce que le montant des reversements sera trop amputé pour que nous puissions en vivre.

     

    Economiquement en outre, le scenario est catastrophique au sens où il est maintenant complètement irresponsable de croire que les pays occidentaux pourront afficher une croissance supérieure à 5%, chiffre qui en théorie doit pouvoir conduire à une baisse du chômage jusqu’à ce que celui-ci se situe à un niveau marginal (en théorie seulement, je vais y revenir). Non seulement notre modèle économique se heurte aux dimensions finies de notre Terre, mais il ne permet plus à l’occident, du fait essentiellement de la faiblesse des salaires dans les pays émergents d’accaparer une part suffisante de la production de marchandises ou de services, qui suffisent à faire croître le PIB dans des proportions suffisantes pour entrainer mécaniquement une création forte d’emploi. Par ailleurs, le tassement des salaires qui est d’actualité depuis une trentaine d’années n’a comme on le voit pas suffit à redonner de la compétitivité aux pays développés, le différentiel étant bien trop grand ( un salaire chinois est encore inférieur de 75% à la moyenne aux USA par exemple) et en outre, la solution palliative à cette stagnation, voire baisse des traitements, pour supporter la consommation, à savoir le crédit à tout va, vient d’exploser en vol.

     

    Quoiqu’il en soit de l’âge de départ à la retraite donc, quelles que soient les augmentations globales de la durée du travail, il faut maintenant clairement dire que notre modèle social est de toutes façons condamné si les politiques s’obstinent à ne pas réformer le système économique. Cependant même largement amendé, le capitalisme demandera à ce que le contrat social soit lui-même ajusté et qu’il tienne compte des formidables gains de productivité qui ont été réalisés depuis les trente glorieuses, amenant avec eux une création de richesses également sans précédent. Les progrès technologiques ne vont pas s’arrêter en chemin, « l’ industrie verte » (oxymore) n’est pas la panacée que l’on veut bien nous vendre. La solution la plus raisonnable si la préoccupation est d’assurer un bon niveau de développement conjugué à une société pacifié et sereine, c’est de partager les richesses comme le travail (le dernier rapport sur la croissance et les inégalités de l’OCDE a montré que les modèles les plus redistributifs et les moins inégalitaires étaient ceux où la mobilité sociale était la plus élevée. Il en va de même pour les violences).

     

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    67 ans : retraite réussie ou Berezina ?

     

     

    Or, je reviens sur mon chiffre de 5% de croissance pour permettre une baisse durable du chômage. On a souvent cité la réussite des modèles anglo-saxons, américain ou anglais en matière de création d’emploi. Malheureusement, peu ont souligné à quel point la qualité de l’emploi était dégradée pour permettre d’arriver à ces résultats (hors contorsions statistiques largement usitées). Qui sait qu’en raison de la part des temps partiels subis que la durée de travail hebdomadaire moyen aux USA est inférieure à celui des français, ces fainéants notoires, soit 33.9 contre 36.3 ?

     

    http://travail-chomage.site.voila.fr/us/us_duree_travail.htm

     

    Comme l’a très bien fait remarquer Pierre Larrouturou, rare personnage du Ps à éviter le naufrage intellectuel et qui devrait d’ailleurs en tirer la conclusion qu’il n’y a pas sa place, le partage du travail est désormais un fait bien établi, qu’il soit spontané et anarchique ou régulé comme en France. Je crois comme lui qu’il représente la seule solution stable et humaniste pour résoudre la question du chômage et par corollaire celui des retraites.

     

    http://www.lautrecampagne.org/article.php?id=34

     

    Il sera peut-être nécessaire, de travailler plus vieux, ce que l’allongement de la durée de vie et surtout de l’amélioration de la santé des « séniors » permet, à condition que la pénibilité du travail soit pleinement reconnue et qu’il y ait un étagement selon les secteurs d’emploi. L’entrée tardive des jeunes dans la vie active est également un facteur plaidant pour un léger recul de l’âge de la retraite, si toutefois il est compensé par une durée de travail largement moins élevée à l’échelle d’une vie. Mais la vision défendue par le gouvernement ne va pas dans ce sens et constitue comme pour nombre de domaines, une régression sociale pure et simple, une véritable restauration. Car dans le même temps, les inégalités explosent dans le monde (moins en France du fait de la pertinence de son modèle, mais depuis 2006 les courbes s’inversent, on se demande bien pourquoi) et les politiques s’interdisent de taxer la richesse, même de façon infinitésimale. Bien à l’inverse et l’exemple français est parlant avec le bouclier fiscal, on s’efforce de conforter les plus aisés. Sur la question des retraites, pour le système français basé sur la répartition, qui affichait une identité solidaire marquée et fondatrice, la question de la provenance des cotisations pourrait pourtant déboucher sur des solutions assez évidentes, mais idéologiquement incorrectes par les temps qui courent. Cela ne saurait en outre satisfaire les sociétés d’assurance qui piaffent pour capter l’épargne retraite de ceux qui peuvent en avoir.

     

    Le président actuel, par la voix de son sous-fifre, préfère donc taper sur les solidarités, sur l’idéal d’égalité et de fraternité, revenir sur le modèle français tout en le couvrant de louanges sournoises dans les discours. Sur la question du travail, il cherche le KO en multipliant les coups (travail des malades par exemple). En ce moment, poursuivre son offensive, c’est s’efforcer de sonner la retraite…

  • Le serment d'hypocrites

    L'actualité politique est toujours et encore désespérante et surtout lourde de conséquences négatives pour l'avenir de nos sociétés. Les médecins qui se penchent sur le malade n'en finissent pas de l'achever, jurant pourtant jours après jours, que le changement de méthode est décrété, que le virus du capitalisme financier va être éradiqué à grande seringue de moralisme, mais que pour s'en sortir, il faut accélérer les réformes absolument nécessaires à la survie de notre modèle social. En somme une bonne grosse saignée administrée à un patient déjà exsangue...

    Je ne saurais dire s'ils sont vraiment conscients de ce qu'ils font, s'ils ont dépassé depuis longtemps le stade des scrupules ou de la lucidité, si ce sont vraiment tous des opportunistes arrivés au dernier degré du cynisme. Mais force est de constater que ce sont en tout cas, des hypocrites décomplexés.

    Comment expliquer sinon, ces cris de triomphe de l'Ump au soir d'une élection européenne qui aura vu ce parti rassembler une part gigantesque de l'électorat, soit 11.2 %. Comment de même expliquer ces râles de jouissance des européistes qui oublient conscienscieusement que 60% des citoyens européens (80% des jeunes de 18-35 ans) n'ont pas jugé utile de se déplacer ?

    L'explication est sans doute simple : la victoire à tout prix, la joie de rester entre soi en se convainquant que la démocratie ne récompense que les vainqueurs et que seuls ces derniers sont légitimes. C'est vrai quand la démocratie fonctionne. Mais que dire d'une situation où non seulement deux électeurs sur trois ne vont pas voter, mais où ce sont les classes populaires et les jeunes en grande majorité qui ne le font pas ? Ne serait-il pas sain de se poser la question ? N'y a t'il pas un léger problème à ce qu'une sorte de vote censitaire se mette en place naturellement ? A plus forte raison quand on est de gauche, ne doit-on pas s'interroger sur le malaise politique qui touche les populations les moins aisées financièrement ?

    Ce n'est apparemment pas l'attitude de la sphère politico-médiatique qui en France a comme d'habitude, nationalisé ces européennes et en est resté à la petite cuisine politicienne qui est pourtant à l'origine à la fois du désintérêt des citoyens et du score flatteur des écologistes.

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    En parlant d'hypocrites...

    Les verts m'ont toujours été sympathiques. J'avais même glissé un bulletin Mamère en 2002, comme une petit coup de canif à Jospin que je ne savais pas mortel. Je ne regrette rien cependant. Je ne suis pas responsable des reniements du Ps, qui l'ont conduit à recevoir cette claque magistrale et méritée de dimanche dernier. Pour autant, la victoire objective d'Europe écologie est aussi celle d'une certaine hypocrisie, dont le plus beau témoignage est peut-être représenté par la démarche pédagogico-marketing de Yann Arthus Bertrand. Comment s'affirmer préoccupé par le devenir de notre planète, chercher des solutions, sans jamais ou presque condamner la forme de capitalisme qui se révèle incompatible avec ces belles résolutions ? (les bons philanthropes donnateurs tels que Pinault ne s'y sont pas trompés en associant généreusement leur nom à cette entreprise si responsable, garante de la perennité de leur position et accouchant d'un film chiant comme la pluie en prime)

    Il y avait pourtant de bonnes raisons de voter pour ce parti, ce que je n'ai pas fait, préférant la cohérence avec mes opinions européennes en choisissant le Front de gauche. Les verts ont affiché l'unité, au contraire donc des formations de la gauche assumée (NPA, pas bien !), ils ont fait campagne sur l'Europe, ce qui est bien la moindre des choses pour cette élection, mais qui n'est pas très représentatif du choix des autres partis, ils ont mis en avant une certaine intégrité, représenté par les figures médiatiques (trop ?) et combatives de José Bové et d'Eva Joly. Cela représentait trois bonnes raisons de voter pour eux.

    Malheureusement, il y a un vrai problème de cohérence come je l'ai dit entre la volonté de changer la société pour ariver à son développement durable et l'acceptation d'un modèle économique qui a prouvé à la fois son incurie et son potentiel de destruction de l'environnement. Cohn-Bendit incarne à lui seul, en bon libéral, cette contradiction. Je crois qu'il en est conscient et voilà, pourquoi je ne l'aime pas beaucoup...

    De plus, les verts en choisissant une posture relativement apolitique, attire un électorat bobo qui cherche à s'acheter une bonne conscience à bon marché, tout en se masquant les réalités sociales, trop violentes. Plus d'orientation idéologique, plus de pauvres ? Malheureusement, la politique raisonnable et non partisane, l'apolitisme en somme, font toujours le jeu du système dominant. Il n'y a qu'à voir les réactions empressées du gouvernement devenu tout d'un coup plus vert que jamais, malgré l'enterrement peu classieux du "Grenelles" de l'environnement.

    Je ne m'apesantirai pas sur l'insignifiance du Ps et sur sa mort maintenant programmée et souhaitable pour la gauche. Il est temps de laisser les éléphants aller au cimetierre avec les restes de leur parti. La rose est définitivement fanée...

    Pas grand chose à dire non plus de la tenue respectable du Front de gauche et du relatif échec du NPA : division coupable, mauvais choix de campagne pour le deuxième, abstention des catégories d'électeurs susceptibles de voter pour ces formations, lassitude des nonistes qui ont bien compris que le vote européen ne changeait strictement rien à la politique menée. Le sort fait au choix des français après le referendum sur le Tce a fait son oeuvre, de même que ce que j'appelle la théorie du ping-pong. Les Etats imputent les regressions sociales aux politiques économiques promues par l'Union pendant que celle-ci se défend an arguant qu'elle n'a aucune compétence sociale et que les Etats sont donc coupables. C'est pas moi, c'est lui ! Pendant ce temps, les citoyens se détournent de la démocratie et l'Europe avance toujours plus avant dans l'application des préceptes néo-libéraux (ou ordo-libéraux, ou néo-classiques mais le résultat est le même). Je rappelle en passant que la crise, qui n'est jamais que la plus puissante depuis celle de 29, en est issue...

    La crise est donc aigue et les conséquences sociales encore à leur débuts. Voilà pourquoi, les syndicats dans un grand accès d'intelligence managériale qui devient leur marque de fabrique, à la grande joie de la droite (et du Ps aussi mais est ce bien différent ?) et du Medef, n'ont rien trouvé de mieux que de casser toute contestation en diluant avec méthode les mouvements nés cet hiver, depuis celui des universités, on ne peut plus légitime, jusqu'à celui des salariés du privé qui ne l'est pas moins. Le mécontentement étant lui bel et bien toujours présent, on saura les féliciter d'avoir mis à terre les derniers vestiges d'un corps médiateur entre les citoyens et les politiques qui laisse augurer de situations potentiellement violentes. L'Automne s'annonce avec une odeur de roussi...

    Décidément, nous observons à l'ère du cynisme médiatique, la ronde des faux médecins vénaux, le bal des Hippocrates de salon qui tournent autour de leurs seuls intérêts et dont on pourrait bien croire qu'ils ont fait serment d'hypocrites...

  • Train ou limousine ?

    Je suis originaire du Limousin ou peu s'en faut ; c'est là bas que sont mes racines, à Limoges et dans un rayon de sa campagne de 60 km. Bien loin de moi l'idée d'un quelconque régionalisme qu'au contraire je combats. Je suis jacobin et je le reste. Mais je sais que là-bas, je respire mieux. Oh bien entendu, je pourrais prendre bouture ailleurs, dans un petit coin breton et maritime par exemple ou même à Paris la belle, dont je suis éperdument amoureux tout en sachant qu'elle n'est pas à terme, faite pour moi. Emporté par le vent, je pourrais qui sait coloniser quelque terre plus lointaine, dans l'Irlande celte éventuellement. On ne verra jamais d'un bon oeil un orangiste sur le sol irlandais mais moi, le friendly frenchy qui sait...

    Pour autant et jusqu'à la fin, comme un hirondelle qui revient inlassablement sous les cieux de sa naissance, je sais que je serai chez moi en Limousin, à chaque fois que j'y reviendrai. Il y a là-bas des pulsations qui raisonnent avec les miennes, c'est ainsi. Il y a les miens aussi...

    C'est une terre simple. Le granite y impose son austérité altière et son autorité, en blocs pesants, bleu dur ou doux rose, en un mélange ou d'aucuns trouveront assemblage du ying et du yang. Mais elle offre aussi de vertes collines à l'herbe grasse et humide où le printemps conquérant fait avancer des légions de fleurs multicolores, où l'hiver impétueux étend sa cape blanche. Là-bas on connaît les saisons, encore un peu, pour quelques années peut-être...

    A limoges, où sont enterrés mes 20 ans, sous un titre de champion d'Europe de basket, il y aussi une gare, la plus jolie du monde. La preuve, Jean-Pierre Jeunet l'a choisie pour l'ouverture de son court-métrage publicitaire en l'honneur du numéro sans doute le plus célèbre de l'univers : N°5. (Bon avant lui, un écrivain mondialement connu s'en était emparé pour situer le début et la fin d'une de ses nouvelles, enfin de sa nouvelle, parce que sa flemmardise est proportionnelle à son génie incommensurable. Si vous êtes sages, un jour je vous donnerai un lien vers ce petit chef-d'oeuvre.)

    Alors une fois n'est pas coutume, je parle un peu de pub sur ce blog :

    En limousin, il y a surtout de la campagne, plutôt de la très belle d'ailleurs, variée, ondine... Et dans la campagne, il y a des vaches : les fameuses limousines, connues tout autour du monde (all around the world). Il se trouve que lors d'un séjour récent où j'ai arpenté le bush haut-viennois, j'ai fait quelques petites photos de mesdemoiselles (y avait ptet des messieurs aussi, cachés dans le tas (non non c'est pas toi le tas Raymonde, pas la peine de meugler en maugréant))

    Hommage au bovidé et à son terroir :

     

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    Un petit village, perdu dans la cambrousse

     

     

     

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    Un train de limousines. Vous remarquerez à l'avant, l'arrière train imposant. C'est une photo un peu vache, je l'admets...

     

     

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    La curieuse au cerisier


     

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    Sur le chemin du Tour, le public répond toujours présent !

     

     

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    Mise au vert

     

     

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    Des normandes limousines

     

     

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    La petite maison vraiment DANS la prairie

     

     

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    Engrangeons quelques fleurs

     

     

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    Un encadrement de chêne

     

     

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    Le même chêne, plein cadre

     

     

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    Des normandes et leurs charmes

     

     

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    Un château en pleine campagne, forcément, c'est ruineux

     

     

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    Contre-plongée vachère

     

     

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    Nous partîmes cinq cents mais par une astuce comptable, nous nous vîmes trois mille en arrivant à l'étable

     

     

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    You're talking to us ?

     

     

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    Sonnez clochettes, tintez couleurs !

     

     

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    L'ordre des choses ne tient qu'à un souffle

     

     

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    Passé aux couleurs

     

    Mais les parisiennes aussi, sont si jolies, que je reviens vers elles, à tire d'ailes...

     

     

     

  • Deux ans de vacances

    Oui, cela fait deux ans qu'un individu est en vacances, grâce à 53% d'entre nous. Je n'en suis pas bien entendu et si les noms d'oiseaux sortiraient bien facilement pour qualifier ceux qui en revanche, en sont, je ne peux m'empêcher de me souvenir qu'en face il y avait une folle à peine moins dangereuse. Circonstances atténuantes à la décharge des crétins ! (oups, I did it)

    Deux ans de vacances, en effet. Pour lui, qui en prend d'autant plus qu'il nous a incité à travailler plus. Bien que la presse ne s'en vante que peu, les petits séjours de fin de semaine avec son échassière vulgaire sont monnaie courante, sans parler des villégiatures exotiques financées par le narco-traffic. Ca va pour lui merci ! On ne peut pas dire qu'il ne nous avait pas prévenus. Dès son congé officialisé en Mai 2007, il s'est empressé de le fêter dans un resto pour parvenus et sur le yatch d'un "ami". Car ce n'est pas le genre à complexer ou avoir des hésitations éthiques, surtout pas. Pour lui le pouvoir, c'est le fric et la frime, il ne l'a jamais caché. La seule chose qu'on ne peut lui enlever c'est cette espèce de franchise arrogante et putassière. Qui condamner le plus ? Lui ou ceux qu'il abuse de plein gré ?

    Un couple d'année de mise en repos forcé de ce qui fait une certaine identité de la France et , au passage, la force de son modèle social dont la crise montre toute la pertinence, malgré encore une fois, ses imperfections. 24 mois de mise à mal des services publics, de la tradition d'accueil de notre pays, de sa vocation égalitariste, de sa méfiance raisonnable du tout marchand, de sa position originale au sein du concert mondial des nations. Tout cela rayé d'un coup d'idéologie : ministère du racisme ordinaire et de l'immigration profitable, destruction en règle de l'Education pour tous, de la Santé pour tous, transfert d'argent vers les plus riches, paupérisation et assujettissement des plus pauvres au travail, répression policière et mise en coupe réglée de la Justice, sapement des libertés publiques, réintégration pleine et entière au sein de l'OTAN. Le président a pris la place, a tout raflé pour lui, pour ses amis et a mis la France en vacances, le plus loin possible.

    Même la culture et les bonnes manières ont été priées d'aller voir ailleurs s'il y était...

    Oui la présidence de la république est en jachère depuis deux ans, au profit de la nouvelle fonction de Pdg de l'entreprise française. Il serait temps de lui faire prendre congé. Pour que cesse cette vacance...

    Envoyons le de la Terre à la Lune ou 20000 lieues sous les mers mais je veux cesser d'avoir honte de mon pays et de ses habitants ! Deux ans de vacance, c'est déjà beaucoup trop...

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  • Les idées ne meurent jamais

    Il faut avoir la tête profondément enfouie dans le sable pour ne pas voir la montée implacable de régimes politiques qui encagoulent les véritables libertés sous le seul libéralisme économique. Pour illustrer cette crainte que je crois bien fondée, j'aimerais vous parler aujourd'hui d'une Bd dont les auteurs ont réussi avec une maestria peu commune à faire une oeuvre d'une lucidité acérée et d'une force narrative et graphique extraordinaire, autour du thème de l'oppression et de la liberté, de l'anarchie et de la réappropriation politique des citoyens.

     

    VPourVendettacintegrale.jpgV pour Vendetta a été scénarisé par Allan Moore, monstre du neuvième art à qui l'ont doit aussi l'écriture de Watchmen et de la Ligue des gentlemen extraordinaires, que je recommande on ne peut plus chaudement. David Lloyd l'a brillamment illustré.

    Londres en 1997. L'Angleterre vit sous un régime fasciste et postapocalyptique : la guerre nucléaire a eu lieu...L'autorité, qui se fait appeler la Tête, contrôle très étroitement la population au moyen de sa police, la Main, guidée par les services de renseignement : les Yeux, les Oreilles et le Nez. La Voix diffuse la propagande et endort les citoyens...

    Evey, jeune adolescente de 16 ans livrée à elle-même dans la capitale déshumanisée, se prépare une nuit à descendre dans la rue pour y vendre ses charmes, moyen de collecter quelques subsides, pour compléter son salaire insuffisant d'ouvrière dans une armurerie. Malheureusement, le premier client potentiel qu'elle aborde se révèle être un agent de la Main. Il a toute latitude avec ses collègues pour traiter le genre d'actes criminels auquel est associé la prostitution. La jeune femme comprend que sa courte vie va se terminer dans le viol...

    Mais survient un étrange personnage, portant costume et  masque de Guy Fawkes, un activiste politique du début du 17ème siècle, façon commedia dell'arte. Tout en prononçant froidement des vers de Mac Beth, il mystifie les policiers, en laisse un certains nombres morts sur le trottoir et sauve la demoiselle d'un sort qui paraissait sordidement scellé. Qui plus est, parvenu avec son obligée sur les toits de la vénérable ville et sans cesser de déclamer du Shakespeare, il contemple l'explosion du parlement, qu'il revendique.

    Qui est donc ce mystérieux personnage, qui se fait appeler V et qui ose provoquer le gouvernement et plus, l'autorité ? Quels sont ses objectifs ? Est-il est leader politique, un défenseur de la liberté, quelqu'un dont l'action obéit à des motivations personnelles ? La Tête, qui ne peut souffir la moindre contestation d'un ordre bien et fortement établi parviendra t'elle à mettre ce rebelle iconoclaste hors d'état de nuire ?

    V pour Vendetta est une Bd culte. C'est également un chef-d'oeuvre incontestable, au même niveau que certaines oeuvres purement littéraires ou cinématographiques (la bande-dessinée étant au croisement des deux finalement). Elle véhicule un message politique fort, notamment le fait que les régimes policiers ne peuvent se mettre en place et durer que par le concours passif des citoyens qui en l'occurence oublient de l'être. Ils sont la solution pour faire tomber les dictatures, en prenant conscience de leur liberté innaliénable et du rapport politique qui les lie à la société.

    Par ailleurs, l'histoire est portée par un romantisme ample, à la fois noir et humaniste. Les auteurs y célèbrent le pouvoir émancipateur de l'art, au travers de la littérature et du théâtre, notamment par l'omniprésence de Shakespeare (la Bd est découpée en actes) mais aussi de la musique, de la peinture. Ce n'est pas un hasard si tous les fascismes ont toujours cherché à l'annihiler ou tout du moins à le contrôler drastiquement. Plus globalement,  Moore met l'accent sur la force des idées et de la recherche du Beau, sur la tolérance également. Mais parce que rien n'est pur en ce monde, il souligne que le chaos ou l'anarchie peuvent par le désordre aboutir à une nouvelle harmonie. La caractère ambigu de V, ses motivations dont certaines sont profondément cachée dans l'ombre du passé, le fait que tout simplement, il soit un personnage tout entier masqué (pas simplement son visage), tout cela contribue à l'épaisseur de l'oeuvre. On y ajoutera une histoire d'amour tourmentée pour faire bonne mesure...

    Graphiquement superbe, le travail de Lloyd s'inscrit parfaitement dans cette démarche esthétisante et cérébrale à la fois. Son trait dynamique et ses cadrages sophistiqués sont pour beaucoup dans la réussite de V pour Vendetta. La mise en couleur procède d'une palette assez particulière, à la fois éthérée et contrastée. Cela surprend au départ mais on y prend goût rapidement...

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    Au final, cette Bd s'avère absolument passionnante, alliant une histoire captivante et mystérieuse, servie par des dessins de toute beauté, à une trame complexe, politisée et profondément artistique. Dans le contexte actuel inquiétant quant aux libertés publiques ou individuelles, c'est une lecture conseillée et reborative. De plus, les relectures permettent à chaque fois d'affiner l'interprétation et la saisie de certains détails ou subtilités qui étaient restés occultés auparavant. Par exemple, les astuces de mise en scène sont nombreuses, autour de la lettre V notamment...

    A acheter ou emprunter les yeux fermés (les ouvrir en grand pour la lecture) !

     

    A noter que le film de James Mac Teigue, s'il n'est pas la catastrophe que certains ont pu décrire, en partie grâce à la présence de Natalie Portman (c'est complètement subjectif mais j'assume), ne rend tout de même que peu hommage au livre dont il est tiré. Que ceux qui l'ont vu, qu'ils l'aient aimé ou pas, ne fassent donc surtout pas l'impasse sur la Bd.

     

    V pour Vendetta / David Llyod, Alan Moore._Delcourt : Paris, 1999._271 p.

     

     

     

     

  • Quand les prix mènent grand train !

    Voilà trois semaines, j’ai voulu me renseigner sur l’offre de la SNCF sur la ligne Paris-Grenoble, ville dans laquelle j’avais envie de passer un week-end sur l’invitation d’une amie. Pouvant être disponible pour Pâques, j’ai sélectionné cette date et regardé les résultats. Je pensais qu’en m’y prenant un mois à l’avance, je pourrais obtenir un tarif intéressant.

    Que nenni !

    Pour une liaison directe et sans changement par TGV, il m’en aurait coûté 120 euros, soit 240 euros de transport aller-retour pour un week-end. Ce n’est malheureusement pas à ma portée financière pour un séjour aussi court.

    Outre le prix du billet très élevé, le plus choquant est sans doute sa variabilité car il ne s’établit pas toujours aussi haut en fonction de la période choisie et surtout de la demande à ce moment là. Certes je savais que Pâques était un créneau très demandé, que Grenoble est la porte d’une partie des Alpes et que beaucoup profiterait des vacances pour faire du ski de printemps. Mais il y a encore quelques années, le barème des prix aurait été on ne peut plus clair : période blanche, bleue, tarifs réduits par la possession de carte d’abonnement, réduction de type « escapade » pour les séjours de fin de semaine.

    Mais aujourd’hui, les choses ont changé et ce changement porte le nom de yield management .

    Kesako ?

    C’est un concept, d’origine anglo-saxonne forcément, qui désigne un système de gestion des places disponibles dans le cadre d’une activité de service (transport, hôtellerie, etc…). Il a pour but d’optimiser le remplissage et surtout d’optimiser la rentabilité au moyen notamment de la tarification en temps réel. Ce procédé a été expérimenté à l’origine dans les compagnies aériennes américaines, dont la Delta airlines a été la pionnière, profitant de la dérégulation des années 80. Il est utilisé en France depuis un moment dans le secteur aérien. On a parfois parlé d’une de ses composantes , à savoir le surbooking qui consiste à vendre plus de places que l’avion n’en a de disponibles pour pallier les éventuelles défections et réservations annulées, quitte à refuser l’embarquement pour des clients qui ont pourtant un billet payé et valide, si par malchance, le taux de défaut est très peu élevé. C’est bien connu, le client est toujours roi, mais souvent celui des cons…

    Le yield management pour résumer rapidement, c’est pour l’entreprise qui l’utilise, la promesse de maximiser son chiffre d’affaire. C’est le but premier, celui qui va imposer d’analyser les comportements de la clientèle puis de la segmenter afin de construire un modèle de fixation des prix qui en découle. Bien entendu le marketing habillera cette technique de telle façon que l’acheteur pensera faire de bonnes affaires et sera ainsi susceptible d’adhérer à cette politique tarifaire. Mais en aucun cas à la base il ne s’agit d’améliorer réellement le service pour l’utilisateur.

    J’en reviens donc à mon billet pour Grenoble. Autrefois, son coût aurait été fonction du kilométrage parcouru et du type de transport choisi : TER, CORAIL, TGV etc…Si je veux bien accepter de payer un peu plus pour profiter de la vitesse d’un TGV, je trouve purement scandaleux d’avoir à débourser des sommes sans rapport avec le coût d’exploitation du service. Encore faudrait-il préciser que la SNCF a très largement abusé de l’avantage comparé des trains à grande vitesse pour augmenter ses prix et que ce fait là était déjà assez pénible.

    Mais l’adoption du yield management par l’entreprise il y a quelques années a conduit à une grille tarifaire complètement absconse, extrêmement variable et contraignante pour les publics aux revenus modestes, cachant des hausses de prix bien réelles derrière les promotions type billet Prem’s ou dernière minute, voire la création d’une filiale low cost comme l’IDTGV.

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    Pour des prix constants et accessibles en revanche, on peut aller se faire voir chez les grecs !

     

     

    Je trouve ce système déjà assez détestable à la base quelque soit l’entreprise qui l’utilise. En effet, il donne une prime à la logique mercantiliste des consommateurs, qui sont sommés de se faire managers de leurs propres dépenses en rationnalisant leurs achats (réservation très longtemps à l’avance, épluchage de l’offre pour dénicher la bonne affaire, adaptation en choisissant des périodes de départ autorisant des billets moins chers) ou en acceptant de payer au prix fort, voire très fort selon la demande. Tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas le faire pour des raisons financières (petits revenus) , d’agenda (on ne peut pas toujours prévoir certains déplacements ou prendre ses congés quand on veut et les poser longtemps à l’avance), ou tout simplement pour des raisons personnelles, sont pénalisés.

    Dure loi du marché me direz-vous…

    Sauf que la SNCF est toujours une entreprise qui rend un service public et que l’adoption du yield management est déjà en elle-même un aveu que ce n’est plus le cas. Je trouve cela déjà insupportable dans le principe. Dans les faits, je m’en scandalise de plus en plus car je suis amené à renoncer à des déplacements dont le prix dépasse mes moyens, ce qui n’était pas le cas avant. En outre, ce n’est pas à une entreprise qui plus est publique, de me dicter (indirectement mais tout de même…) mon comportement et mes habitudes de voyage pour que je continue à utiliser ses services. Sans doute aussi, mon côté égalitariste est-il choqué par le fait qu’au sein d’une même voiture, des passagers peuvent avoir payé leur billet 19 euros et d’autres 80. Doit on y compter les winners et les loosers, ceux qui peuvent payer le tarif plein voire majoré sans sourciller (l’homme d’affaires et le touriste argenté sont choyés) et ceux qui ne peuvent pas, ceux qui ne veulent pas se soumettre à la logique de l’utilisateur émancipé et ceux qui ont la joie un peu mesquine d’avoir réussi à payer moins que leur crétin de voisin ? Ce genre de détails fait aussi les sociétés et leur cohésion…

    Encore une fois, l’utilisation d’une gestion venue tout droit du privé montre clairement au travers de ses conséquences quels sont les objectifs des politiques qui se trouvent en amont de ces décisions : faire de l’argent (nourrir le privé) au détriment des catégories les moins aisées de la population, qui soit sont obligées de se conformer à la logique commerciale en devenant des « consommateurs intelligents » (asservis dirais-je), soit en renonçant à prendre le train, qui en France est encore plus accessible et souvent plus pratique que l’avion.

    Voilà comment une nouvelle fois, le nouveau management public pervertit de l’intérieur la logique du service du même nom, en usant de procédés empruntés au privé, tout en justifiant les désagréments produits, par l’inefficacité chronique et génétique du secteur public et de l’Etat entrepreneur. On en profitera pour mieux privatiser et assujettir l’usager.. .oups pardon, le client (celui qu’on peut donc rouler en toute bonne conscience, celle du marché)

    J'accepte de plus en plus mal ce gâchis énorme, d’autant plus que, malgré la casse de la SNCF au même titre que les autres services publics et la protection sociale, par les différents gouvernements depuis trente ans, le réseau de chemin de fer dans notre pays, compte tenu de sa densité, est encore un des plus attractifs et efficaces au monde, peut-être même le meilleur avec ceux du Japon et de l’Allemagne. Pour combien de temps, vu la dégradation à grande vitesse (forcément) ?

    En plus j’aime beaucoup prendre le train…

     

    Un article d’Alternatives économiques sur la question :

    http://www.alternatives-economiques.fr/sncf--un-prix-peut-en-cacher-un-autre_fr_art_789_39228.html

  • En Mars, ça repart ?

    Il y a presqu'un an, je publiais un petit post en forme de cliché printannier. Deux photos de cerisiers en fleur pour célébrer la renaissance et la beauté, malgré la chappe de plomb apposée par le président actuel et son gouvernement.

    Voilà Mars et ses floraisons. La nature persiste à faire la nique à la grisaille umpienne. Mais qu'en est-il de la constestation sociale ?

    La crise ne fait que débuter et notre fameux modèle français si archaïque fait beaucoup pour la pondérer ou différer ses effets, les diluer quelque peu. Toutefois, le plus dur est à venir et le contexte fera beaucoup pour la suite de la résistance à l'américanisation décomplexée de notre pays.

    La grève générale, le seul mode d'action qui pourrait être véritablement suivi de conséquences tangibles, n'est intervenue que dans nos lointains satellites antillais et l'heure ne semble pas encore venue en métropole de les imiter. Mais il semble bien que, si l'offensive venue de Neuilly continue de progresser, sa marche soit de plus en plus entravée. Je crois même que le front se stabilise alors même que les nombreux foyers de résistances ne se sont pas encore rejoints.

    Cette semaine sera marquée d'un nouvel épisode et d'une nouvelle journée d'action. Je suis très circonspect sur l'impact de ces grèves d'une journée, bien gentillettes quand en face le bulldozer à réformes néolibérales avance sans souci de savoir qui il écrase. Mais puisque la lutte a pris pour le moment cette forme là alors il faut au moins occuper le terrain et gonfler les muscles, à défaut de s'en servir.

    Jeudi, il serait bon que privé et public réuni envoient le maximum de gens dans la rue, pour montrer l'attachement des français à leur modèle social, qui aujourd'hui prouve toute sa pertinence, ceci malgré des imperfections certaines, dans une conjoncture de crise systémique qui met à mal une idéologie plutôt d'inspiration anglo-saxonne que, depuis près de 25 ans, aussi bien la droite que la gauche de gouvernement essaie d'imposer dans notre pays.

    Aujourd'hui et contrairement à ce qu'affirme les porte-flingues de l'Ump, il ne s'agit pas d'une résistance corporatiste mais d'une lutte pour sauvegarder une culture, une certaine idée de la vie : une éducation pour tous, un hôpital pour tous, un travail qui a du sens, moins d'inégalités pour moins de violence, une économie réellement régulée, une Europe qui pousse à la mutualisation et à la coopération plutôt qu'à la concurrence salariale et fiscale, à la compétition entre pays, entre leurs habitants.

    Je vais terminer par une anecdote, un détail. Aujourd'hui le quinze de France, peut-être grisé par l'atmosphère printanière a oublié qu'on ne profite pas du parfum de la rose anglaise sans l'avoir piétinée auparavant. Notre équipe a signé un de ces matchs ridicules qui émaillent son parcours. Inconstance latine et coupable diront certains. Oh certes, perdre contre l'anglois, qui plus est prendre une volée quand celui-ci est sans doute le plus faible rencontré depuis plus de 20 ans, est toujours facheux et cinglant pour l'orgueil. Mais j'y verrais presque un signe d'espoir, la cohérence d'un peuple qui ne sait pas gagner sans y mettre une signification, qui ne tue pas par réflexe darwinien. C'est un peu la France qui persiste dans cette défaite cuisante.

    Ils n'ont pas encore gagné...

     

     

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  • A l'insu de mon plein gré !

    Je viens de m'apercevoir avec une surprise mauvaise qu'un bandeau de pub pour Libertas trônait au dessus de ma bannière. Je ne sais si le marketing du site est affiné blog par blog mais je signale bien entendu qu'une d'une part ma propre qualification, par dérision, d'archéo-conservateur marque mes convictions de gauche assumées, d'autres part que je ne soutiens en aucune façon ce parti ultra-libéral de droite et conservateur dans le premier sens politique du terme, tout noniste qu'il soit.

    Si la situation perdure, j'en demanderai des explications fermement à hautetfort.

  • Suis la musique !

     

    A l'heure où tous les voyants sont au rouge et les esprits crispés sur un avenir crépit de sombre, je m'en reviens parmi toi lecteur (car tu n'es sûrement jamais plus de un en même temps à me lire) pour te parler de deux Cd zénifiants que l'on m'a offert sur mes propres recommandations, pour mon anniversaire.

    Deux albums, deux destinations, deux évasions...

     

     

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    Kelli Ali avec Rocking horse nous offre un aller sans retour au coeur d'une forêt enchantée, jumelle de la Brocéliande arthurienne. Elle y déploie une musique diaphane dont les douces arabesques sont autant de sortilèges hypnotiques et délicieux. Dans une ambiance moussue et médiévale, la voix de Kelli dessine le chemin des fées et nous emprisonne, consentants, dans ses mystères couleur vert tendre. Dans un coin du tableau, une flûte, un cor anglais et un hautbois transpercent les frondaisons de quelques élans de lumière vaporeuse.

     

     

    Heaven's door

    Les violons tracent dans les feuilles mortes, entre les arbres immenses, le lit d'un ruisseau tranquille, qu'un banjo calmement enjoué agrémente de quelques clapots cristallins. Parfois, la brise encore un peu fraîche ramène avec elle la scansion chuintante d'un rite magique. La basse, ronde comme le fût d'un hêtre, pulse lentement la vie d'un être. Endormie, la nymphe des lieux est belle et irradiante comme une aurore. Ses cheveux sombres coulent sur le lin blanc de sa tunique. Son souffle ténu m'invite au sommeil. Je m'allonge auprès d'elle et j'oublie...

     

    What to do

     

     

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    Kelli Ali

     

     

    Le réveil n'est pas difficile. Le soir descend sans se presser, je suis allongé sur un sable tiède. J'entends au loin quelques éclats de samba que le vent rabat sur les flancs des pains de sucre. Plus proche de moi, une guitare nylon, relaxée, tresse une brassée d'accords de bossa. Je suis quelque part , dans une autre dimension do Brasil. Il fait doux...

     

    The next time around

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    Ma belle druidesse s'est changée en déesse latine. Sa peau est bronzée et son regard chocolat. La franchise gourmande de ses oeillades a pourtant la tendresse de la fraîcheur. Son corps est une courbe mouvante qui chaloupe doucement sur la musique de Little Joy. Je l'embarque avec moi...

    La soirée sera reaggae, pop sucrée et tonalités carioca. Entre amis, de tous âges pourvu qu'ils ne soient pas adultes... Un peu de ponch, quelques bières, des brunes, des blondes, un cocktail pour savourer le plaisir d'un moment fugace et éternel. Au bout du monde, le soleil se dilue dans l'eau sanguine de l'Océan. La vie n'a pas de fin, je me noie dans une joie mélancolique...

     

     

     

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    Evaporar

     

     

     

     

    Kelli Ali myspace :

    http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewProfile&friendID=123497589

    Little Joy myspace :

    http://www.myspace.com/littlejoymusic

     

  • Faim d'Histoire

    La France disait-il n’avait pas peur du changement, mais elle l’attendait. Il est venu, mais pas vraiment comme elle, du moins celle qui a voté pour l’ex maire de Neuilly, l’espérait naïvement.

    1110039_dollar_liberty_2.jpgLe président actuel voulait transformer notre pays, un des derniers à s’adapter à la mondialisation néolibérale. Encore le faisait-il en râlant et renâclant, comme à son habitude et ceci malgré le nombre toujours plus grand des nouveaux convertis. Il avait le désir d’en faire une petite Amérique, objet de son amour et de sa fascination. Il brûlait d’installer sur le trône des valeurs, l’individualisme, l’ambition personnelle, la course au profit décomplexé. Il trépignait de pouvoir enfin solder l’héritage révolutionnaire qu’avant lui des historiens comme François Furet,  porté par l’enthousiasme des transfuges, avaient déjà contesté.

    Bref, il rêvait de donner le coup de grâce à un modèle né sur les ruines de la guerre et la honte de la collaboration, des germes multi-séculaires de son histoire et de sa culture, mais depuis 25 ans attaqué de toutes parts. Grignoté de l’extérieur avec la globalisation économique portée par le consensus de Washington, sapé de l’intérieur par ses propres blocages et l’effort des néolibéraux du cru.

    Mais les winners les plus farouches, les plus opportunistes, les moins scrupuleux ne peuvent rien face à leurs aveuglements et devant le stop impérieux imposé par l’Histoire. Il y eut bien quelque esprit simple et satisfait pour imaginer qu’elle s’était définitivement arrêtée. Mais chacun, Fukuyama y compris sent bien qu’elle est repartie, après une pause cahotante d’une vingtaine d’années.

    Voilà donc que le système adoré, que nous appellerons néolibéral par commodité, connaît les derniers soubresauts au moment même où en France on voudrait finir de l’imposer. Souvenez- vous des paroles de notre chef suprême pendant sa campagne. Il déplorait le faible endettement des français, souhaitait que tous  soient propriétaires, sur le modèle américain. Celui des subprimes voyez ?...

    Oui mais, le château de cartes s’est effondré, à la seul surprise de ceux qui l’avaient édifié au mépris de toutes les règles prudentielles. Mais que voulez vous ? Comment résister quand on est acteur dans une structure où la cupidité et la concurrence s’allient pour former une spirale infernale, d’où le risque, par la grâce des produits structurés, semble s’être évanoui ? (voir le dernier livre de Frédéric Lordon : Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières.-Paris : Raisons d’agir, 2008.-220p.)

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    Il serait nécessaire de bien souligner à quel point la libéralisation de la finance, dont les subprimes et les produits dérivés sont les derniers avatars, a pesé sur l’organisation du travail et partant, sur l'évolution des sociétés occidentales, mais aussi de celles des pays émergents. Il suffira de dire que la financiarisation en privilégiant le capital au détriment du travail, a fini par lui enlever son sens mais aussi son pouvoir de rémunération et d’épanouissement dans de bien nombreux cas : recherche du profit maximum à court terme, course à la productivité, management omniprésent, précarisation, tassement des salaires. Pourtant, pendant ce temps là, il fallait bien préserver la croissance et sa composante bien souvent essentielle, la consommation.

    D’où la recherche du moindre coût qui a deux effets pervers : les délocalisations et la tension sur les salaires, sur les conditions de travail. Les premières enrichissent certes les pays les plus pauvres mais en les dispensant de créer un marché intérieur viable, en fermant les yeux sur l’exploitation des « ressources humaines », en sacrifiant le tissu économique (l’agriculture de subsistance notamment) aux exportations. Les secondes ont fait pressions sur les revenus et la stabilité de l’emploi qu’il a fallu compenser pour maintenir le fameux pouvoir d’achat par le recours au crédit et la production au moindre coût. La boucle est bouclée, la machine peut s’emballer…Vous aurez noté qu’aujourd’hui plus personne du côté des élites économiques et  politiques, exceptées celles se réclamant de la gauche assumée, ne parle de salaire mais de pouvoir d’achat. Le glissement sémantique est éloquent…

    Tout a une limite heureusement et le capitalisme financiarisé a atteint les siennes, au grand dam de l’Ump et de son cornac autoritaire. Dans la précipitation digne de galopins sachant qu’il font un coup pendable, ils ont enchainé les réformes libérales : paquet fiscal (merci pour le budget , le déficit et la dette), démantèlement des 35h et promotion des heures supplémentaires avec dégrèvement fiscal bien évidemment (toujours pour soigner les déficits) qui s’avèrent totalement pro-cycliques en tirant le chômage vers le haut avant même que la crise ne fasse sentir ses effets propres, destruction à la hache des services publics (Education nationale, système de santé, SNCF, Poste etc) qui eux, au contraire constituent de puissant barrages contra-cyclique pour soutenir l’économie et protéger les plus fragiles. Un rapport de l’OCDE est d’ailleurs venu à point nommé pour montrer que la France et les pays à très forte redistribution (scandinaves pour la plupart) étaient aussi ceux qui alliaient le mieux croissance et réduction des inégalités :

    -synthèse du rapport OCDE sur la croissance et les inégalités 2008 : http://www.oecd.org/dataoecd/48/9/41530189.pdf

    -Note concernant la situation française : http://www.oecd.org/dataoecd/45/24/41525323.pdf

    -Graphique sur le rapport entre redistribution et taux de pauvreté : http://graphs.gapminder.org/communityproxy/ChartDataServlet?key=plL7_TnAeMdBLyRVf1rehGg#$majorMode=chart$is;shi=t;ly=2003;lb=f;il=t;fs=11;al=30;stl=t;st=t;nsl=t;se=t$wst;tts=C$ts;sp=6;ti=2004$zpv;v=0$inc_x;mmid=XCOORDS;iid=plL7_TnAeMdBAvXX8r5__Vw;by=ind$inc_y;mmid=YCOORDS;iid=plL7_TnAeMdAktDNHMaxdJQ;by=ind$inc_s;uniValue=20;iid=plL7_TnAeMdCTpDLPYo-_VA;by=universal$inc_c;uniValue=255;gid=CATID1;iid=plL7_TnAeMdC8GEnotAixIg;by=grp$map_x;scale=lin;dataMin=1.814;dataMax=36$map_y;scale=lin;dataMin=2.77;dataMax=22$cd;bd=0$inds=

    Pour un pays archaïque et sclérosé, la France ne fait pas si mal, proche des pays nordiques, laissant à des années-lumière les USA. Bien plus, notre pays apparaît un des mieux armés pour résister à la crise, si tant est que les malades qui nous gouvernent ne persistent pas dans leur erreur funeste et idéologique.

    http://pubs.lemonde.fr/RealMedia/ads/adstream_sx.ads/FRANCE-LEMONDE/articles_france/exclu@x30?http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/01/30/dans-la-crise-le-modele-francais-naguere-decrie-retrouve-des-couleurs_1148547_3224.html

    Tout le problème est là. Comment va réagir notre roi d’opérette-président ? Comment va évoluer la contestation sociale ?

    L’ancien maire de Neuilly apparaît de plus en plus comme un personnage autoritaire et liberticide, ce que ses opposants les plus lucides avaient bien décelé depuis le départ. Par ailleurs et malgré sa plasticité et son pragmatisme apparent, c’est un véritable idéologue à la fois néolibéral et néoconservateur. Il faut certes tempérer ce constat par une ambition et un narcissisme maladifs qui poussent à l'opportunisme, mais aussi par un reliquat de colbertisme, rare trace d’héritage culturel français chez un individu qui en outre n’affiche qu’un bonapartisme de carton-pâte. Cela n’abuse que le courtisan Duhamel…

    La population elle, voit bien désormais que des nuages d'orage encombrent l’horizon, mais il semble qu’une faible partie soit consciente que la crise actuelle est systémique et que par conséquent les revendications conjoncturelles sont sans finalité possible. Pourtant, il se pourrait bien que la compréhension d'une remise en cause inéluctable des structures soit l’aiguillage qui déterminera le chemin que va prendre la France dans les années qui viennent.

    Si les gens s’en rendent compte rapidement alors l’espoir est possible, l’aspiration à un système plus équilibré et alternatif, autorisé, l’émergence d’une offre politique qui y amène des réponses, envisageable. En revanche, si la résignation prévaut, si les détenteurs du pouvoir vont comme c’est très probable au bout de leur délire alors le pessimisme est de rigueur et la démocratie en danger. Le système ne peut maintenant survivre que par perfusion d’autoritarisme et de reconstitution complète de la hiérarchisation sociale, aux dépens des classes moyennes.

    Bien entendu, son évolution dépendra énormément des réactions à la crise dans le monde entier, aux Etats-Unis et en Chine notamment. Elle reposera aussi sur les interactions, les négociations et les tensions qui s'en suivront...

    De l’amas de ces conjectures bien fragiles, il ressort cependant une certitude : les citoyens ont le pouvoir de construire la société qu’ils désirent, de renverser celle qui leur semble imposée.

    L’Histoire est en marche…

     

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  • White spirit

    J'avais prévu de commencer l'année sur les chapeaux de roue avec un post politique bien senti et puis finalement les conditions météo m'obligent à lever le pied, pour mon plus grand plaisir.

    Il a neigé aujourd'hui sur l'Ile de France. Elle flotte sur un océan blanc et les flocons ont gardé leur pouvoir sur moi. Toujours cet effet adoucissant sans adjuvants chimiques, toujours cet émerveillement, toujours cette envie irrépréssible de toucher et de partir en dérapages plus ou moins contrôlés. Je n'ai pu résister ce soir en rentrant à faire quelques pas complètement superflus, juste pour apprécier le froissement soyeux qui nait d'un soulier qui s'enfonce dans la poudreuse.

    Pourtant c'était la reprise ce lundi et l'année 2009 promet son lot de soucis et de sans le sous. Pas de quoi pavoiser, sans même parler de ma situation personnelle bien fragile mais que je n'évoquerai pas ici. Mais à peine sorti de l'immeuble, voilà que dans l'anthracite d'une fin de nuit qui n'est pas du matin, m'apparaissent les fins duvets qui descendent du ciel. La route et les trottoirs sont déjà finement glacés au sucre...Loin de rester froid, je n'ai pu réprimer un léger sourire de contentement, en soupirant d'aise. De toutes façons, je n'ai jamais refusé un petit coup de blanc...

    Et puis ce midi, en sortant de mon lieu de travail pour déjeuner, comment ne pas ressentir des frissons de plaisir à voir le Panthéon avec un bonnet frileusement vissé sur son dôme. Même les sapins dressés sur le parvis s'étaient poudrés les aiguilles et pouvaient regarder satisfaits la Tour Eiffel, au loin, plantée dans un horizon lumineusement laiteux.

    La neige a cet effet miraculeux d'apaiser la vie, comme si elle étendait pudiquement son drap immaculé sur les souillures du monde, comme si elle démaquillait avec son coton délicat le rimel dégoulinant de nos existences de plus en plus putassières. Pour qui a déjà eu l'occasion de vivre ce grand moment zen qu'est une marche de nuit dans un endroit enneigé, où qu'il soit, au coeur d'une ville endormie et pétrifiée ou dans une forêt muette et emmaillotée de blanc, la vérité est que la neige est la messagère du silence. Les flocons sont ses mots...

     

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    Pour ne pas rompre le charme, je vous chuchotte mes voeux pour la nouvelle année, en espérant, contre toute attente, que le "white spirit" de ce jour enneigé soit le signe que tout peut recommencer, que tout peut se laver...

     


  • Charité bien ordonnée...

    Cela ne vous aura pas échappé, ce week-end était celui du Téléthon, de la grande messe de la générosité, de la grande extorsion de fonds organisée. Comme d'habitude les français, attendris par l'exposition plein-feux des malades, galvanisés par les exploits de citoyens lambda mobilisés héroïquement pour l'occasion, culpabilisés à l'extrème par les vrp de cette belle cause humaniste, les français donc, ont donné beaucoup, comme d'habitude et malgré le contexte de la crise.

    Loin de moi l'idée de vouer aux gémonies cette manifestation de pseudo-solidarité qui a bien entendu ses effets bénéfiques, notamment et c'est son objet, sur la recherche en génétique et ses applications dans les traitements curatifs aux maladies idoines. Il ne faut certes pas jeter le bébé avec l'eau du bain médiatique et communicationnel.

    Pourtant, le Téléthon s'inscrit parfaitement d'une part dans la société du spectacle et de la communication, d'autre part dans le mouvement de privatisation des politiques dirigées vers le bien commun. Si je vous dit que cet évènement qui se veut le symbole de la solidarité, fait partie intégrante de la machine à casser l'effort collectif, il ne s'agit en fait que d'un faux paradoxe. Car bien au contraire, le marathon du don privé est ce qu'il est : une exaltation de la charité, un contributeur à l'effacement des investissements publics.

    Bien sûr, on m'objectera que le Téléthon c'est aussi la réunion d'acteurs privés, donc la mise en place d'une certaine forme d'action collective. Certes mais groupement privé quand même. Or quoiqu'en dise, jamais les actes privés n'auront les mêmes objectifs d'ensemble, la même capacité d'un traitement concerté et réfléchi à une échelle globale et donc non discriminatrice, qu'une puissance publique garante du bien commun (et malheureusement ce n'est plus le cas aujourd'hui) peut mener.

    Entendons nous bien ! Il ne s'agit pas de dire que l'individu ou le groupement d'individus non institutionel n'a pas sa place ni son utilité, notamment dans le réglement des problèmes sociaux. Mais quand il se substitue à l'action publique de façon majoritaire comme cela est en train d'advenir, alors la situation est extrèmement préoccupante.

    Or le problème n'est jamais posé en tant que tel durant ces appels à la générosité de tous, mêmes les plus pauvres, car tout euro compte, selon un des mantras matraqués à tous les intervenants dans les cours de communication qu'ils reçoivent afin de bien vendre l'évènement. (combien sont rénumérés les profs en comm' ?) Vous avez quand même remarqué, tous ces leitmotivs qui reviennent à la fréquence hallucinante d'un tube pour ados sur une radio pour ados ?

    A ce sujet, je suis tombé sur ce document émanant d'une structure asurant la coordination des ONG françaises de solidarité internationale. On y parle notamment de la collecte des dons. C'est sans ambiguités et édifiant, marquant la fusion de l'ONG et de l'entreprise :

    http://www.coordinationsud.org/IMG/pdf/CR_PDJ6-2.pdf

     

    Que nous disent donc les Nagui, Davant et artistes recrutés pour l'occasion ?

    "Le moindre euro compte !"

    "Il faut faire mieux que l'année dernière"

    "la crise est là mais dépassez vous, pour ceux qui n'ont pas la chance d'être comme vous, valides"

    "Donnez maintenant, c'est facile : 36 37. Faites le sans attendre !"

    Etc...

     

    Parmi ces injonctions louant la compétition, le dépassement de soi, la volonté d'agir par opposition à l'assistanat, il y en a un qui est à la fois le plus mesquin, le plus scandaleux et le plus représentatif : la déduction fiscale.

     

    C'est l'argument clé, la pierre de voute qui permet de démontrer que la grand messe de la générosité sert aussi à détruire l'Etat et ses moyens d'actions, avec la bénédiction des gouvernants actuels bien entendu, droite et gauche confondues.

    Donnez, et vous gagnerez, sur le dos des impôts confiscatoires !

     

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    Encore un peu que l'Etat n'aura pas ! Aider les gentils enfants malades ok, tout le monde faut pas pousser !

    Sans doute certains sont ils conscients que même en surexposant les malades, en surjouant l'émotion (dont celle des concernés et de leurs proches est bien légitime), le généreux français a besoin d'une petite carotte pour ouvrir son coeur, pardon, son porte-monnaie.

    Or en incitant encore au dégrèvement fiscal, les dons vers les associations dont l'AMF (agence française contre les myopathies) privent d'autant les caisses de l'Etat qui je le rappelle était censées être vides il y a deux mois (on pourra tioujours comparer le montant des dons au Téléthon, 95 millions d'euros, aux sommes débloquées pour assurer la survie d'un système économique toxique en état de mort clinique, qui elles, sont de l'ordre  de la centaine de milliards).

    Au moment où on se penche sur le cas des maladies génétiques, aussi respectables que les autres, mais pas davantage que les autres, le SIDA par exemple, qui lui n'a pas la chance d'avoir un exposition médiatique comme celle du Téléthon (la marque n'a pas été assez promue sans doute) ou toute atteinte à la santé des personnes, le système de santé français, l'un des meilleurs du monde sinon le meilleur il y a encore quelques années, pourrit dans l'indifférence quasi générale : les urgences sont saturées et ne peuvent prodiguer soins et attention convenables, le sous équipement devient patent, le manque de personnel alarmant, les fermetures d'établisssement toujours plus nombreuses, les remboursements diminuent, les franchises augmentent, seuls les médecins libéraux s'en sortent toujours aussi bien, merci le paiement à l'acte, le médecin référent et le déconventionnement, l'un des points noirs de notre système (Gloire à Douste).

    Qui fera les frais de l'abandon de la sécurité sociale ? Les plus fragiles, les plus pauvres bien entendu. Les mêmes dont on essaie de soutirer le dernier sou, afin d'éviter à l'Etat de faire son boulot et accessoirement de récupérer de l'argent auprès de ceux qui en ont beaucoup. Qui viendra aider les plus exposés au démantèlement des protections sociales ? Personne. L'assistanant, c'est mal ! Ils n'auront qu'à faire l'effort d'être riches et comme ça il pourront se soigner ces feignants !

    Derrière la BA annuelle qui donne bonne conscience et permet de se laver les mains de sa passivité habituelle face à la misère ou la douleur, derrière la fausse solidarité pour une cause noble, se dessine la casse de toute politique sociale, laquelle est bien engagée depuis 2002 et avec une accelération toute particulière depuis 2007.

    Bien entendu, je ne donne pas pour le Téléthon. Je préfère largement voir mes impôts augmentés et le bouclier fiscal abandonné. Je préfère largement financer une recherche publique qui n'ira pas breveter le vivant à la mitraillette, comme le font les officines américaines entre autres.

    Pour ceux qui voudraient avoir une approche un peu plus globale du phénomène de la philanthropie, notamment dans le domaine de la finance, très exposée en ce moment, je conseille ce petit ouvrage très interessant :

    Financiers, philanthropes/ Nicolas Guilhot - Paris : Raisons d'agir, 2004. 173p.