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partage du travail

  • Sonner la retraite

    Chacun aura remarqué le travail de préparation du gouvernement au fait que le temps de travail devra inéluctablement augmenter pour que notre modèle social soit préservé. C'est-à-dire que parmi la seule solution proposée au débat, c'est-à-dire l’allongement de la durée de travail, sur une journée, une semaine ou une vie, c’est celle-ci qui va être privilégiée et donc détruire implacablement un modèle social avec pour but de le préserver. Vous suivez ? Oui bien entendu, c’est encore une fois une escroquerie intellectuelle grosse comme une maison à 100000 euros. La droite décomplexée en a l’habitude depuis les incantations de son chef pour le « travailler plus, pour gagner plus » dont nombreux sont ceux qui auront constaté douloureusement l’invalidité tant économique que sociale, pour peu qu’ils en aient gobé le traître mot (c’est le cas de le dire).

     

    Mais puisqu’il n’y a pas d’alternative alors il faut, après avoir poignardé dans le dos les 35h, dézinguer la retraite à la mitrailleuse lourde, si possible dans un couloir. L’âge légal de départ devrait être bientôt fixé à 67 ans, c’est en tout cas le souhait du gouvernement, qui en débattra entre gentlemen avec les partenaires sociaux. Nul doute qu’un consensus raisonnable sera alors trouvé pour légitimer ce recul à 70 ans ou peu s’en faut.

     

    Il devrait être évident à tout le monde que reculer le temps du départ à la retraite dans un contexte de chômage fort est une hérésie socio-économique. Les jeunes arrivent de plus en plus tard sur le marché du travail et les entreprises ont du mal à conserver les gens après 55 ans. Quand dans le même temps, on augmente la durée des cotisations pour bénéficier de pensions à taux plein, là aussi en ayant balayé le spectre des solutions à raison d’une et d’une seule, la conclusion logique et pour le coup là assez imparable et que peu d’entre nous pourrons bénéficier d’une retraite véritable, soit parce qu’elle viendra trop tard, soit parce que le montant des reversements sera trop amputé pour que nous puissions en vivre.

     

    Economiquement en outre, le scenario est catastrophique au sens où il est maintenant complètement irresponsable de croire que les pays occidentaux pourront afficher une croissance supérieure à 5%, chiffre qui en théorie doit pouvoir conduire à une baisse du chômage jusqu’à ce que celui-ci se situe à un niveau marginal (en théorie seulement, je vais y revenir). Non seulement notre modèle économique se heurte aux dimensions finies de notre Terre, mais il ne permet plus à l’occident, du fait essentiellement de la faiblesse des salaires dans les pays émergents d’accaparer une part suffisante de la production de marchandises ou de services, qui suffisent à faire croître le PIB dans des proportions suffisantes pour entrainer mécaniquement une création forte d’emploi. Par ailleurs, le tassement des salaires qui est d’actualité depuis une trentaine d’années n’a comme on le voit pas suffit à redonner de la compétitivité aux pays développés, le différentiel étant bien trop grand ( un salaire chinois est encore inférieur de 75% à la moyenne aux USA par exemple) et en outre, la solution palliative à cette stagnation, voire baisse des traitements, pour supporter la consommation, à savoir le crédit à tout va, vient d’exploser en vol.

     

    Quoiqu’il en soit de l’âge de départ à la retraite donc, quelles que soient les augmentations globales de la durée du travail, il faut maintenant clairement dire que notre modèle social est de toutes façons condamné si les politiques s’obstinent à ne pas réformer le système économique. Cependant même largement amendé, le capitalisme demandera à ce que le contrat social soit lui-même ajusté et qu’il tienne compte des formidables gains de productivité qui ont été réalisés depuis les trente glorieuses, amenant avec eux une création de richesses également sans précédent. Les progrès technologiques ne vont pas s’arrêter en chemin, « l’ industrie verte » (oxymore) n’est pas la panacée que l’on veut bien nous vendre. La solution la plus raisonnable si la préoccupation est d’assurer un bon niveau de développement conjugué à une société pacifié et sereine, c’est de partager les richesses comme le travail (le dernier rapport sur la croissance et les inégalités de l’OCDE a montré que les modèles les plus redistributifs et les moins inégalitaires étaient ceux où la mobilité sociale était la plus élevée. Il en va de même pour les violences).

     

    K. retraite de russie.jpg

    67 ans : retraite réussie ou Berezina ?

     

     

    Or, je reviens sur mon chiffre de 5% de croissance pour permettre une baisse durable du chômage. On a souvent cité la réussite des modèles anglo-saxons, américain ou anglais en matière de création d’emploi. Malheureusement, peu ont souligné à quel point la qualité de l’emploi était dégradée pour permettre d’arriver à ces résultats (hors contorsions statistiques largement usitées). Qui sait qu’en raison de la part des temps partiels subis que la durée de travail hebdomadaire moyen aux USA est inférieure à celui des français, ces fainéants notoires, soit 33.9 contre 36.3 ?

     

    http://travail-chomage.site.voila.fr/us/us_duree_travail.htm

     

    Comme l’a très bien fait remarquer Pierre Larrouturou, rare personnage du Ps à éviter le naufrage intellectuel et qui devrait d’ailleurs en tirer la conclusion qu’il n’y a pas sa place, le partage du travail est désormais un fait bien établi, qu’il soit spontané et anarchique ou régulé comme en France. Je crois comme lui qu’il représente la seule solution stable et humaniste pour résoudre la question du chômage et par corollaire celui des retraites.

     

    http://www.lautrecampagne.org/article.php?id=34

     

    Il sera peut-être nécessaire, de travailler plus vieux, ce que l’allongement de la durée de vie et surtout de l’amélioration de la santé des « séniors » permet, à condition que la pénibilité du travail soit pleinement reconnue et qu’il y ait un étagement selon les secteurs d’emploi. L’entrée tardive des jeunes dans la vie active est également un facteur plaidant pour un léger recul de l’âge de la retraite, si toutefois il est compensé par une durée de travail largement moins élevée à l’échelle d’une vie. Mais la vision défendue par le gouvernement ne va pas dans ce sens et constitue comme pour nombre de domaines, une régression sociale pure et simple, une véritable restauration. Car dans le même temps, les inégalités explosent dans le monde (moins en France du fait de la pertinence de son modèle, mais depuis 2006 les courbes s’inversent, on se demande bien pourquoi) et les politiques s’interdisent de taxer la richesse, même de façon infinitésimale. Bien à l’inverse et l’exemple français est parlant avec le bouclier fiscal, on s’efforce de conforter les plus aisés. Sur la question des retraites, pour le système français basé sur la répartition, qui affichait une identité solidaire marquée et fondatrice, la question de la provenance des cotisations pourrait pourtant déboucher sur des solutions assez évidentes, mais idéologiquement incorrectes par les temps qui courent. Cela ne saurait en outre satisfaire les sociétés d’assurance qui piaffent pour capter l’épargne retraite de ceux qui peuvent en avoir.

     

    Le président actuel, par la voix de son sous-fifre, préfère donc taper sur les solidarités, sur l’idéal d’égalité et de fraternité, revenir sur le modèle français tout en le couvrant de louanges sournoises dans les discours. Sur la question du travail, il cherche le KO en multipliant les coups (travail des malades par exemple). En ce moment, poursuivre son offensive, c’est s’efforcer de sonner la retraite…