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grèce

  • De la souveraineté

    Compte-tenu du déroulement de la crise, qui n'est que le corollaire de politiques appliquées depuis une trentaine d'années, politiques dites néolibérales au sens large (le tout marchand sous l'égide de la finance mondialisée pour résumer à coup de serpe (peut-être bientôt à coup de faux)), la notion qui devient peu à peu centrale face au déni de démocratie permanent de nos dirigeants, c'est celle de la souveraineté. Elle n'est autre que le pouvoir d'une majorité de citoyens, de voir effectivement les politiques qu'elle a choisies, être appliquées dans leur essence.

    Cette souveraineté qui est indispensable à la démocratie est aujourd'hui bafouée au nom d'un réalisme économique qui n'est autre que l'expression d'une idéologie qui confère à la religion. C'est surtout le moyen de maintenir le pouvoir et l'argent aux mains d'une infime minorité. Le résultat est que, quel que soit le candidat élu, le contenu politique une fois aux manettes est le même, sauf nuances infimes.

    Nous connaissons en ce moment deux situations qui illustrent pleinement ce malaise démocratique. D'un côté le gouvernement français va utiliser l'article 49/3 de la constitution pour faire passer en force la loi Macron. C'est la première fois que cette disposition est utilisée contre un parlement où l'exécutif est censé avoir la majorité. Cela veut tout simplement dire que la politique menée est contraire au projet politique qu'avait proposé l'actuel président de la République pour se faire élire et que les représentants des citoyens ne sont pas une majorité à soutenir cette attitude. Bien entendu, et c'est une autre marque de la déliquescence de nos institutions, les fameux "frondeurs" qui s'opposent à leurs collègues du Ps, n'iront pas jusqu'à voter pour la motion de censure et donc n'iront pas au bout de leur conviction (de façade). C'est le mal essentiel de la professionnalisation de la politique que de produire des gens de carrière plutôt que des hommes d'état. Le poste est donc privilégié aux idées.

    Pour faire simple, nos représentants trahissent leur mandat et dévoient l'élection qui les a porté au pouvoir. Il s'agit clairement d'un déni de démocratie.

     

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    "Ce n'est pas de l'autorité, c'est de l'efficacité", comme dirait un aficionado du Barça peu soucieux des deniers publics quand c'est lui qui les utilise.

     

    Or, au même moment, en Grèce, Alexis Tsipras lui, essaie face à une adversité aussi dogmatique que balourde, celle notamment de nos braves "socialistes" néolibéraux, de maintenir la teneur du programme pour lequel il a été élu. L'orthodoxie, entendez par là tous ceux qui ne jurent que par la sainte parole économique libérale, n'a pas de mots assez durs pour dénoncer l'obstination de Syriza à vouloir respecter ses électeurs. Par delà la posture morale de créanciers roulés par des malfaisants grecs qui ne veulent pas honorer leurs dettes, ce qui est faux, il y a surtout la crainte que la démocratie soit possible, que d'autres politiques économiques puissent être appliquées, que des rentes pourtant mortifères pour l'activité réelle, soient remises en cause.

    Quand je dis que l'accusation de mauvais payeur adossée aux grecs est malvenue, c'est que c'est un des noeud du problème. L'endettement actuel est dû pour une large part à des prêts contractés pour sauver les banques, françaises et allemandes notamment, très impliquées en Grèce au moment de la crise de l'euro, ce qui le rend illégitime au sens où l'objectif officiel était d'aider le pays à sortir de ses problèmes financiers, objectif dont on a vu à quel point il n'a pas été tenu, et pour cause. L'audit lancé par une commission du nouveau parlement grec vient de donner lieu à un premier rapport qui éclaire précisément le caractère quasi crapuleux de la dette :

    http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-le-rapport-sur-la-dette-est-une-arme-utile-pour-athenes-485224.html

    Par ailleurs, Syriza a proposé dès le début des négociations qui se tiennent en ce moment, non pas de ne pas rembourser ses créancier, mais au contraire de lier le remboursement à la croissance, donc aux succès attendus de la nouvelle politique. Il n'a jamais été question de faire défaut au départ. Mais le danger est grand pour certains gouvernement en place, en Espagne par exemple et en Allemagne, qui donne le La de la politique économique en ce moment, que l'expérimentation d'autres solutions puisse se révéler bénéfique. Cela porterait possiblement le danger électoral et de fil en aiguille, la fin éventuelle de l'hégémonie néolibérale, dont les dérives sont critiquées jusqu'au sein du FMI et de l'OCDE, organisations schizophrènes qui sont capables de constats pertinents, tout en continuant de prescrire des remèdes qui sont à l'origine du mal pourtant bien perçu.

     

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    Les parias désignés sont donc aujourd'hui ceux qui essaient de défendre la voix des électeurs alors que les tenants du libéralisme éclairé, qui donnent des leçons de démocratie à tour de bras, jusqu'à l'exporter de force avec les résultats que l'on connaît au proche et moyen-orient, eux, pendant ce temps, piétinent le mandat reçu des citoyens, avec le plus parfait cynisme, contribuant à construite une société cupide, inégalitaire, autoritaire et pour tout dire, maffieuse.

    Voilà pourquoi ce qui se joue en Grèce est si important pour la liberté de choisir la société dans laquelle nous voulons vivre, si crucial pour l'avenir de ce mot violenté : la démocratie. Parce que nous devons la défendre de ses fossoyeurs sans scrupules, parce que nous devons la promouvoir auprès de tous ceux qui se résignent à une domination atténuée à coup de psychotropes consuméristes, il faut à nouveau porter au débat ce qui fait son essence, qui permet au citoyen d'être conscient de lui-même et de son pouvoir. Il faut à nouveau parler de la souveraineté !

     

  • Prendre parti

    Nous voilà à moins de deux mois désormais d'une échéance électorale très importante en France. Ces présidentielles ne devraient pas pouvoir être isolées du contexte mondial, notamment économique bien entendu, puisque la crise se poursuit, selon les modalités que j'avais évoquée dans mes précédents billets sur la question.

    Nous vivons certes en ce moment une légère acalmie sur le front des dettes souveraines (en réalité tout sauf souveraines mais bon), pause qui doit tout à l'intervention tardive mais cette fois-ci dans les grandes largeurs, de la BCE. La banque centrale européenne s'est en effet décidé à lancer une quasi création monétaire, à l'opposé de ses beaux principes, tout en restant en façade dans les draps immaculée de la rigueur orthodoxe. C'est donc près de 1000 millards d'euros de liquidités qui ont été avalées par les banques, en deux opérations de refinancement à trois ans, dont l'objectif principal était de faire baisser la pression sur les taux d'intérêts de la dette des états, quasiment insoutenable depuis la fin de 2011 en Italie, en Espagne, au Portugal et dans certains autres pays, sans compter la Grèce, depuis longtemps incapable de se financer sur les marchés et sans solution alternative puisque les traités européens interdisent aux banques centrales de financer directement les états.

    C'est pourtant cette impossibilité que, contrainte et forcée, pour sauver l'euro, la BCE a contourné en abreuvant le secteur financier d'euros, tout en lui conseillant d'acheter des obligations, mais sans pour autan avoir les moyens de l'y obliger. Les banques se sont fait tirer l'oreille, préférant souvent mettre en dépôt les sommes prêtées à 1% (quasiment données) par la BCE, auprès de la BCE elle-même, à des taux ridicules (0,25%) signe d'une totale absence de confiance dans la stabilité du système financier. Elles ont aussi profité de ces facilités pour faire rouler leurs propres dettes et continuer par ailleurs, à spéculer, puisque rien n'a été fait pour restreindre les possibilités dans ce domaine. Mais vu l'énormité des sommes engagées par la banque centrale européenne, le marché des dettes souveraines s'est tout de même détendu courant décembre, descendant légèrement sous les 5% pour les deux grands pays méditerranéens, tandis que le Portugal lui, miné par la récession et probable candidat à la succession de la Grèce est toujours lui, soumis aux attaques des financiers. Cela montre bien, s'il en était besoin, que le calme est très fragile et provisoire, tant la situation des deux pays de la péninsule ibérique est délicate (près de 25 % de chômage en Espagne)

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    En parallèle, l'Union européenne s'enferme dans sa stratégie de l'austérité et de la rustine institutionnelle, qui sans le soutien in extremis de la BCE aurait viré à une implosion certaine. Quoiqu'il en soit cette politique a des conséquences pour le moins fâcheuses et inquiétantes pour l'avenir.

    D'une part, la pression mise sur la Grèce en matière de désentettement sauvage produit des résultats catastrophiques : le PIB a ainsi chuté de plus de 7% au dernier trimestre 2011 (sur un an) et de près de 15% au total depuis le début de la saignée, qu'un médecin du 17ème siècle n'aurait pas reniée. Il se produit là l'effet habituel de l'austérité, qui réduit l'activité et donc les ressources fiscales et donc l'endettement, ce qui donne prétexte à la troïka en charge du dossier grec (Union européenne, FMI et BCE) pour réclamer plus d'effort de réduction de déficit. Le cercle vicieux dans toute sa splendeur. On attendra sans doute longtemps que ce triumvirat sans légitimité démocratique s'attaque avec la même fermeté aux évidentes faiblesses de l'état grec et notamment son impossibilité à recouvrer l'impôt que lui doivent certaines catégories privilégiées comme les armateurs ou le clergé orthodoxe (tiens lui aussi)

    Il y a dans la situation grecque, à la fois la matérialisation de ce que les nonistes de gauche redoutaient au moment de leur contestation du TCE et la préfiguration de ce que sera bientôt l'Union si on laisse cette évolution se dérouler sans entraves. Non seulement les préceptes économiques des élites actuelles sont ineptes et prouvent leur toxicité, ce depuis 30 ans mais avec une irréfutabilité d'airain depuis le déclenchement de la crise en 2007, mais également, l'obstination des représentants politiques unis dans leur néolibéralisme nous entraine vers une mis à bas de la démocratie. POur preuve, on soulignera les propos outrés suite à la proposition de referendum de Papandreou en Grèce, les évocations à peine feutrées de la gêne ou de l'agacement vis à vis des élections législatives d'avril dans ce même pays, ou encore et bien évidemment, les mécanismes de contrôle budgétaire interdisant les déficits, ce qui soustrait de la souveraineté des citoyens ce levier essentiel de la politique, le tout sans qu'ils n'aient été aucunement consultés.

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    Sur le sujet, la position de Jean-Luc mélenchon :

    http://www.jean-luc-melenchon.fr/brochures/tribune-libe-120220.pdf

    Si on ajoute à ce tableau sombre mais malheureusement très factuel, les tensions entre pays, nés de la crise de la dette, mais plus globalement de la mise en compétition des pays membres entre eux, la détresse sociale qui progresse partout, même si elle se concentre surtout en Grèce et en Espagne pour le moment, la montée en corollaire de l'extrême-droite partout en Europe (voire Orban en Hongrie, mais la France est particulièrement bien placée dans le domaine), les frictions géo-stratégiques au moyen-orient, le déclin économique des Etats-Unis toujours aussi mal en point, tout est réuni pour déboucher sur un épisode particulièrement pénible.

    Dans ce contexte, que penser des élections présidentielles française ? Il est évident que le sort du monde ne dépend plus de la France depuis belle lurette. Mais d'une part, il faut bien commencer la lutte quelque part, d'autre part notre pays fait partie de l'Union et a encore un rôle majeur à y jouer , pour peu qu'il retrouve un peu d'allant et de confiance en lui-même, dans les valeurs universelles qui l'ont marqué. L'Union, elle, premier marché mondial, qu'on écouterait donc avec attention si elle parlait d'une voix forte, y compris et surtout, si elle développait une parole de rupture, de changement, l'Union donc, peut, elle, décider, du moins influer sensiblement sur le devenir de notre planète.  Or, la France peut encore avoir un impact dans ce que peut-être l'Union, si elle décide d'adopter une attitude différente de celle qui est la sienne depuis trente ans.

    Qui parmi les candidats, porte cette potentialité de changement ? Il n'y en a qu'un et c'est celui du front de gauche.

    Il y a deux principales raisons à cela, c'est que dans son programme, d'une part, la compréhension de la crise entraine une volonté de réduire le secteur financier au rôle qu'il doit tenir, c'est à dire financer l'économie réelle, d'autre part rénover en profondeur la vie politique et la proposition de réunir une assemblée constituante est une initiative des plus cruciales, qui, dans le contexte actuel, pourrait créer une dynamique pourquoi pas similaire à celle qui a suivi les Etats généraux en 1789. Le système est moribond, il faut d'urgence penser à l'avenir et à une reconstruction du politique et partant, de l'économique qui lui est lié.

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    Je conseille à tous ceux qui, abreuvés de l'opinion mediatique autorisée, seraient sceptiques sur la qualité, à la fois du programme et du candidat du Front de gauche, de lire les billets de son blog, toujours très informatifs et d'une lucidité sans égale en comparaison des autres postulants à la présidence, les deux principaux les premiers, et d'écouter, voire de participer à ses meetings qui se révèlent à chaque fois, comme une rencontre politique d'où émane un discours de gauche, social, républicain et pédagogique qui n'avait pas été entendu depuis longtemps. A ce titre, il ne faut pas manquer celui qui se déroulera le 18 mars à la Bastille, dont le thème sera la démocratie et les institutions, thème d'actualité au moment où nos dirigeants étouffent la souveraineté citoyenne en se servant du paravent européen, pour mieux imposer un régime économique qui a fait les preuves de ses méfaits. Cette réunion pourrait bien marquer un tournant dans la campagne, par l'affluence qu'elle va entrainer et la force du discours qui y sera tenu.

    La gravité de la situation est telle aujourd'hui que les expédients d'une alternance qui résulterait du vote utile, en réalité de la négation du choix électoral, apparaissent comme totalement sous-dimensionnés face à une crise de système, qui à moins d'un véritable changement de cap, nous mène droit dans le mur. Pour ma part , je choisis Jean-Luc Mélenchon, parce qu'il est temps que le pouvoir nous reviennent à nous les citoyens. L'heure est venue de solidement prendre parti !

    http://www.jean-luc-melenchon.fr/

  • Money time

    La crise procède comme vous l'avez sans doute remarqué, d'un calendrier de plus en plus accéléré. Elle s'emballe, tout simplement, faute d'une prise de conscience réelle de nos dirigeants ou, pire, de leur volonté de ne pas accepter ce qui est pourtant désormais imparable : le chute de ce système.

    Depuis déjà quelques années, votre serviteur, inspiré par ses lectures et ses propres réflexions mâtinées d'une intuition qui pour le moment ne l'a pas trompé, a dessiné l'alternative de notre époque comme suit :

    -les décideurs ne se soumettent pas aux faits, préservent leur pouvoir et leurs intérêts coûte que coûte. Ils essaient de sauvegarder le système néolibéral en contournant, voire en supprimant la démocratie. Cela leur permet de faire porter tout le poids économique sur les classes populaires et moyennes, qui sont sommées de faire toujours plus de sacrifices, pour permettre aux rentiers de ne pas assumer le risque des placements financiers pour le moins aventureux qu'ils ont consentis. (les petits épargnants sont le noeud du problème, puisqu'ils servent de caution aux financiers pour se préserver, mais comme je l'ai déjà montré dans mes derniers billets sur la crise, c'est un argument qui peut aisément être démonté)

    -la prise de conscience d'une fin de règne s'impose à une majorité et l'hétérodoxie économique est mise en oeuvre afin de sauver le monde d'une période potentiellement dramatique qui suivrait un chaos économique. Il suffirait pour cela de revenir sur certains dogmes, à savoir permettre à la banque centrale européenne de financer directement les états pour les soustraire au chantage du marché et remettre en place un contrôle des capitaux pour définitivement court-circuiter le secteur financier et permettre aux investissements d'alimenter l'économie réelle, avec à la clé une meilleure répartition des richesses. Cette solution se heurte bien entendu à l'opposition radicale de la finance, relayée par le gouvernement français pour ne citer que lui, qui défend les banques avec un acharnement qu'on aimerait lui voir quand il s'agit du service public. Elle bute également sur les idéologues monétaristes et ordo-libéraux, très représentés à l'échelle de l'Union et surtout de l'Allemagne, sourde à toute tentative de monétiser la dette (financement direct) et agitant le spectre de l'hyper-inflation de l'année 1923, qui a certes durablement marquée les esprits par sa violence bien réelle, mais sert aujourd'hui de subterfuge pour camper sur des positions pourtant intenables économiquement, y compris pour les intérêts allemands à moyen terme.

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    Si vous n'êtes pas aveugles ou de mauvaise foi, vous aurez conclu que c'est la première option qui a été choisie. Les derniers épisodes grecs et italiens en témoignent de façon presque caricaturale et transparente : il n'y a qu'une politique possible, demander aux citoyens leur avis est passible d'excommunication inflexible (même si le referendum grec était tout sauf dirigé vers les électeurs de la part de Papandreou), tout politique qui n'est plus en mesure de tenir la barre solidement est prié de déguerpir, on le remplace par un représentant quasi officiel du secteur financier favorable au "fédéralisme européen", c'est à dire en ce moment, à la prise de pouvoir des marchés (Papademos a été vice-président de la BCE et proche de Goldman Sachs, Monti est conseiller de la même méga-banque)

    Certains vous diront que ces "experts" sont incorruptibles et valent bien mieux que les dirigeants qui viennent d'être exclus. On les trouve parmi les européistes les plus forcenés et bien entendu chez les néolibéraux qui ont toujours affiché leur défiance du politique et leur préférence vis à vis de la "gouvernance économique". Se passer de la consultation citoyenne est pour eux un signe de sagesse. Vous noterez qu'ils justifient la pertinence de leurx choix par les sondages qui montrent qu'une large majorité en Grèce comme en Italie, se réjouit du départ des anciens premiers ministres, ce qui vaut automatiquement soutien aux futures politiques d'austérité qui ne vont pas manquer d'être menées comme d'aggraver encore la situation (mais on ne change pas une méthode qui perd). Gourverner en s'appuyant sur les sondages, c'est une garantie démocratique, tout le monde en conviendra n'est ce pas ?

    Cependant, au contraire d'un Jean Quatremer, taulier du blog Les coulisses de Bruxelles, partisan du recadrage technocratique, qui hésite entre ce genre de retour de flamme propagandiste et une lucidité épisodique quand il se range à l'idée que seule la BCE peut sauver l'euro en rachetant sans limite les dettes publiques, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre pour dénoncer cette dérive autoritaire, au nom de l'Union, des marchés ou des deux à la fois. Ainsi, Jean-Pierre Jouyet, europhile s'il en est (président de l'autorité des marchés financiers et ex secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes du gouvernement de François Fillon), vient de dénoncer récemment la "dictature de fait" de la finance, contre laquelle les citoyens finiront par se révolter.

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    Nous en sommes donc là aujourd'hui, dans une dérive très prévisible de la situation politique, quand les mesures préconisées pour solutionner la crise, elles, sont toujours les mêmes et d'une inefficacité catastrophique. La récession s'invite à nouveau, l'austérité agit de façon pro-cyclique en contractant l'activité, les revenus fiscaux et donc en augmentant encore l'endettement, les marchés, comme des vautours, dépècent la bête en exigeant d'elle qu'elle leur fournisse plus de viande. Quand Nosferatu constatera que l'aurore pointe, il s'apercevra trop tard que tout le sang aspirée à sa victime désormais défunte, n'a servi qu'à raccourcir sa vie de mort-vivant. Nous serons à ce moment là, tous sur le même bâteau, malheureusement...

    Mais la période est encore aux sommets ultimes de la dernière chance qui ne se représentrera plus, dont on célèbre le néant décisionnel avec fastes pompes et moulinets de bras. Le FESF, fonds de solidarité est mort né, produit de vielles recettes financières (effet de levier, véhicule financier spécial) qui sont directement à l'origine de la crise. Il a de plus été fauché à la fois par les refus dogmatiques allemands et la future dégradation de la note française, qui ne permettra plus d'en faire un outil considéré fiable par le secteur financier. Ce dernier en aurait pourtant largement bénéficié mais il est pourtant directement à l'origine de cette fragilisation par ses attaques sur les dettes publiques. Le serpent se mord la queue...

    Le temps s'accèlère, la situation s'aggrave. Il y a pourtant des solutions, comme je l'ai déjà dit. Financement direct des états, contrôle des capitaux, restructuration du secteur financier (certaines mesures sont préconisées par Frédéric Lordon, voir mes favoris), discussion avec la Chine d'un nouveau système monétaire plus équilibré, qui pourrait s'isnpirer largemement du Bancor de Keynes (voir le blog de Paul Jorion en lien dans mes favoris), au final, une meilleure répartition des richesses et une économie durable. Ces solutions sont portées par une certaine offre politique, celle de Jean-Luc Mélenchon par exemple. Une partie des Verts les défendent également...

    La partie s'accélère et il ne reste plus beaucoup de temps avant un basculement irrémédiable. Comme au basket, c'est le moment crucial, qui porte diablement bien son nom, du money time... 

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  • Faire sauter la banque

    Il ne vous aura probablement pas échappé que la Grèce connaissait actuellement une crise de financement liée à une dette jugée excessive et surtout fautive, selon le point de vue de l'orthodoxie économique. Si on en a autant parlé ces derniers temps, c'est surtout en raison de la vague de spéculation qui a touché des produits financiers attachés à cette dette, ce qui contribue à la renchérir. Pour simplifier car je ne veux pas rentrer dans des explications complexes de phénomènes que je ne maîtrise pas complètement par ailleurs, les marchés parient sur la faillite de l'Etat grec ce qui augmente les taux d'intérêt et lui rend plus difficile d'emprunter auprès de ces mêmes marchés (6% environ en ce moment, contre 3% pour l'Allemagne, considéré comme le pays le plus sûr en Europe, toujours par l'orthodoxie). C'est tout bénéfice pour les boursicoteurs, c'est potentiellement dramatique pour la Grèce qui ne peut s'en sortir sans les premiers, faute de pouvoir agir directement sur sa monnaie, prisonnière qu'elle est de l'Euro. En tant que tel, la monnaie européenne n'est pas coupable. Ce sont les critères de convergences décidés au moment de sa création et l'impossibilité pour la BCE de financer directement les Etats membres qui sont fautifs. Ils enlèvent de fait toute possibilié à la force publique d'agir sans recours aux marchés, dont on voit bien ce qu'ils font du pouvoir exorbitant qui leur est donné.

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    Il y aurait déjà beaucoup à dire sur la notion de dette publique, sur la façon de l'envisager , de la calculer, de la définir, sur son utilité ou ses risques. La comparer à celle d'une entreprise ou d'un foyer suffit déjà à situer l'erreur de perspective (souvent savamment calculée) de la plupart des réflexions sur ce problème particulier. Un Etat est une entité politique, ce n'est pas une défaillance économique qui peut le menacer directement. Un Etat ne met pas les clés sous la porte, même en défaut de paiement...De plus, la dette est la plupart du temps énoncée sans tenir compte des actifs possédés par un pays : l'immobilier, productif ou non, les infrastructures (transport, énergie, services publics en général) etc...A ce titre, la France qui possède un parc public encore relativement important, malgré la grande braderie en cours, est relativement riche.

    Plus encore, c'est sur la manière de creuser la dette qu'il faudrait se pencher. Toux ceux qui aujourd'hui sigmatisent les grecs et les dépenses publiques trop élevées en général, sont acquis aux dogmes néolibéraux, dont le monétarisme, doctrine économique portée notamment par Milton Friedmann et l'école de Chicago. Là aussi de façon résumée et ciblée, ce courant a préconisé l'abandon de la gestion monétaire par l'Etat au profit de banques centrales indépendantes. Cela interdit aux Etats de se financer directement et les soumets aux marchés financiers pour emprunter, avec pour objet de maîtriser l'inflation et les taux d'intérêts. Cette idéologie libérale s'est imposée en France après 1983 et certains de ses thuriféraires politiques les plus convaincus appartenaient au PS, Pierre Bérégovoy notamment.

    Pourtant, si l'on regarde les effets des politiques libérales menées aussi bien par leurs défenseurs naturels (Reagan, Thatcher) que par les gauches de gouvernement (Blair, Shroeder, Clinton et Jospin dans une moindre mesure), on constate aisément que l'explosion de la dette date précisément de la mise en oeuvre de ces préceptes.

     

    On peut le voir grâce aux liens suivants :

    http://abel.jerome.free.fr/img/DettePubliqueFrancaise.jpg

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Dette_US_longue_periode.png

    C'est ainsi que la droite en France est la principale artisane du creusement des déficits et qu'aux Etats-Unis, ce phénomène a été particulièrement sensible à partir de l'ère Reagan. C'est donc la famille de pensée, droite et gauche confondues, qui s'échine à faire baisser les dépenses publiques en taillant dans les services du même nom qui a pourtant fait exploser la dette. Vous avouerez qu'il est assez culotté de voir les mêmes prétendre que non seulement la dette doit être réduite, que c'est un présupposé de bonne gestion économique, mais qu'en plus elle va être diminuée en utilisant les mêmes moyens qui pourtant ont contribué à lui faire atteindre des cîmes.

    Là où on tutoie des sommets dans l'enfumage, c'est quand les banques et le secteur financier en général, à l'origine de la plus grande crise qu'on ait connu depuis 1929, (crise qui n'en est encore qu'à ses débuts), qui ont été sauvés par la diligence asservie des Etats, réclament le comblement de la dette, qui s'est accentuée du fait de leur sauvetage, tout en spéculant de façon éhontée, toujours avec l'argent mis gracieusement à leur disposition par les banques centrales (indépendantes donc, enfin indépendantes des Etats). C'est ainsi que des établissements privés qui empruntent à 0.5% peuvent se permettre de pressurer les Etats qui viennent de les tirer d'une faillite certaine, à des taux parfois 10 fois plus élevés. Celui qui trouvera une saine logique économique, sans parler de justice et de morale, dans ce phénomène, voudra bien me l'expliquer doctement. Je rappelle qu'au même moment, le chômage continue sa progression, la casse des services publics s'accélère, les protections sociales s'effacent : les plus faibles trinquent quand une infime minorité se roule dans le fric.

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    Or, les marchés financiers trouvent dans la représentation politique actuelle des alliés indéfectibles qui sont prêts à faire payer les citoyens, soit par l'impôt mais malheureusement plus vraisemblablement par des mesures drastiques d'austérité, pour rester fidèles au dogme. Le secteur financier lui, peut tranquillement continuer à sinistrer l'économie en exigeant des retours sur investissement indécents et pénalisants (précarisation, management par la peur, licenciements, délocalisations, court-termisme). Il faut également souligner que la petite condition assortie aux aides financières des Etats était que les banques reprennent la distribution du crédit, ce qu'elle n'ont pas fait. Le crédit à la consommation ne cesse de baisser aux Etats-Unis depuis le déclenchement de la crise (-4% en 2009 selon la FED) et l'encourt sur les crédits aux entreprises a diminué de 24% en France (chiffres de la Banque de France). Bien entendu, le chômage et les défaillances de sociétés expliquent en partie cette baisse, ce qui n'est de toutes façons pas une bonne nouvelle pour les tenants de la reprise heureuse, mais les banques se concentrent quasi exclusivement sur la restauration de leurs fonds propres et l'absorption de leurs "actifs" toxiques (les chariots de produits dérivés) par la spéculation massive, dont le dernier épisode en date a donc touché la Grèce. Le serpent se mord la queue...

    Il est tout de même difficile de ne pas être scandalisé, à la fois par le comportement des financiers mais aussi et peut-être surtout par l'inaction, voire la complicité des autorités politiques. Il y aurait pourtant des moyens d'action, pour à la fois faire courber l'échine aux banques et redonner aux Etats des marges de manoeuvre par le biais du financement direct. La question de l'indépendance des banques centrales doit désormais se poser clairement et par conséquent, la pérennité de traités européens qui la garantissent, entre autres aburdités économiques. Pourtant, leur toxicité est maintenant avérée par la crise.

    Ce constat posé, je ne vois pas comment sortir par le haut de cette crise sans faire sauter la banque...

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