Sans doute parce que même quand la détermination est inflexible, il n'est pas possible de répéter inlassablement la même chose, voilà que mes publications politiques s'espacent. Ce début d'année est pourtant riche d'actualité, bien peu porteuse d'espoir et de progrès mais terriblement illustratrice d'un mécanisme infernal toujours aussi huilé.
De la défaillance d'un modèle social laissé à l'abandon et que viennent déchirer encore plus quelques jeunes fanatisés, à la défense de dogmes économiques totalement faillis mais qui font la richesse d'une infime minorité captant les ressources donc, et bien sûr le pouvoir, nous assistons à la lente dérive vers une issue cynique, autoritaire et violente, dans le déni de la démocratie. Excepté là où ils ont beaucoup soufferts, en Grèce ou en Espagne, les citoyens sont pour la plupart, amorphes, résignés, voire souvent, convaincus du bien-fondé de la pensée dominante, qui pourtant en laissera 95% sur le carreau.
Tout cela, je le constate et le relate sur ce blog depuis son ouverture, au lendemain de la crise de 2007-2008, dont nous vivons toujours les conséquences et la lente montée en régime. Jamais les faits ne m'auront démenti. On le sait Cassandre ne fut pas écoutée et l'histoire montre que les grands phénomènes historiques sont souvent imperméables à toute possibilité de les infléchir. Pour autant, il m'est impossible de supporter passivement tous ces gens qui se mettent la tête dans le sable ou se convainquent que le problème, c'est le coût du travail, les hordes de fonctionnaires et les immigrés, et pas le tribu faramineux que prélève la finance sur l'économie réelle, avec pour résultat de l'asphyxier.
Ajax enlève Cassandre (fresque Pompéi) (les orthodoxes aimeraient bien nettoyer les lanceurs d'alerte)
Dans les moments de découragement, il est difficile de lutter contre l'attrait de la propre mesquinerie ordinaire que l'on essaie de combattre et de ne pas tomber dans la détestation de tous ces crétins endormis, envieux, lâches et égoïstes qui pagaient vers les chutes qui les noieront et moi avec. Mais précisément, il y aura mes proches et moi-même dans cette issue funeste. Alors la dignité et la raison veulent que le combat soit mené jusqu'au bout, jusqu'au moment où, s'il est perdu, il changera de forme, passant de politique à celui de la lutte pour la survie.
Il faut donc répéter que seul un sursaut collectif, la redéfinition de politiques solidaristes, permettront de sortir de cette crise entretenue par l'oligarchie. C'est la souveraineté citoyenne réaffirmée qui nous permettra de replacer la politique comme définition de l'action sociale au service de l'intérêt général et pas de quelques appétits très particuliers et minoritaires qui, pour préserver leur pouvoir et leurs rentes juteuses, s'ingénient à diviser les citoyens en sapant notamment la force pondératrice de l'Etat, social et laïc. La lutte doit être dirigée vers le haut. Le problème n'est pas l'immigré, le fonctionnaire, le chômeur. Tous ceux là sont comme vous et moi : ils essaient de vivre au mieux avec de maigres ressources le plus souvent. Non, le problème, ce sont les rentiers professionnels, les financiers, qui nous disent que nous ne travaillons pas assez quand eux ne travaillent jamais, qui nous disent qu'il faut baisser leurs impôts alors que ce sont nous qui les payons, qui vous disent qu'il faut faire grossir les dividendes en vous alléchant avec le rendement de votre compte-épargne, sans vous signaler que pour que l'action progresse, il faudra se débarrasser de nombreux emplois et du vôtre en particulier.
Votre épargne nuit à votre emploi !
Pour que la situation s'améliore, il faut donc soulever les vrais problèmes, mais il ne faut pas non plus se tromper de solutions. Les oligarques savent que nous sommes plus nombreux qu'eux et que la prise de conscience collective de leur domination vaudra leur perte. Ils tentent donc par tous les moyens d'empêcher cette prise de conscience ou de la dériver vers des exutoires sans danger pour eux. L'extrême-droite leur est très pratique dans cet objectif. Ils sont conscients, car l'histoire l'a toujours montré, que les partis fascisants ont toujours préservé le grand capital au détriment de la masse du peuple. D'ailleurs, dans les pays où l'expérience est encore chaude, en Espagne, en Grèce, les citoyens ne sont pas enclins à retourner à ces fausses solutions. Ils choisissent le règlement solidaire et souverainiste de la crise car leur mémoire est encore trop marquée par les temps de souffrance infligés par les dictateurs d'extrême-droite.
En France malheureusement, le souvenir du régime de Vichy s'estompe, le naufrage de la gauche de gouvernement et la disparition d'un véritable courant gaulliste, laissent libre-cours à une formation opportuniste qui une fois au pouvoir, ne se démarquerait en rien de ce qui a toujours fait le fascisme : l'autoritarisme, la privation de liberté et l'exploitation des plus faibles. Nous ne devons pas céder à cette facilité mortifère comme nous ne devons pas laisser les oligarques décider que notre avenir est leur profit. Ce pays n'a pas à se normaliser pour continuer à exister. Mais pour qu'il puisse trouver ses propres voies de sortie de crise, il faut redonner aux citoyens le pouvoir de décider, donc changer les institutions. Il sera ensuite permis de définir enfin nos propres politiques : dessiner une économie durable dans la justice sociale, préférer la coopération plutôt que la compétition aveugle qui nous dresse les uns contre les autres, relancer les grands projets de progrès scientifiques en lien avec la préservation de l'environnement, redonner un sens au travail et à nos existences, en dehors du mercantilisme et du consumérisme. A défaut, nous entendrons rapidement le bruit des bottes...
Douce France ?...