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euro

  • Prendre parti

    Nous voilà à moins de deux mois désormais d'une échéance électorale très importante en France. Ces présidentielles ne devraient pas pouvoir être isolées du contexte mondial, notamment économique bien entendu, puisque la crise se poursuit, selon les modalités que j'avais évoquée dans mes précédents billets sur la question.

    Nous vivons certes en ce moment une légère acalmie sur le front des dettes souveraines (en réalité tout sauf souveraines mais bon), pause qui doit tout à l'intervention tardive mais cette fois-ci dans les grandes largeurs, de la BCE. La banque centrale européenne s'est en effet décidé à lancer une quasi création monétaire, à l'opposé de ses beaux principes, tout en restant en façade dans les draps immaculée de la rigueur orthodoxe. C'est donc près de 1000 millards d'euros de liquidités qui ont été avalées par les banques, en deux opérations de refinancement à trois ans, dont l'objectif principal était de faire baisser la pression sur les taux d'intérêts de la dette des états, quasiment insoutenable depuis la fin de 2011 en Italie, en Espagne, au Portugal et dans certains autres pays, sans compter la Grèce, depuis longtemps incapable de se financer sur les marchés et sans solution alternative puisque les traités européens interdisent aux banques centrales de financer directement les états.

    C'est pourtant cette impossibilité que, contrainte et forcée, pour sauver l'euro, la BCE a contourné en abreuvant le secteur financier d'euros, tout en lui conseillant d'acheter des obligations, mais sans pour autan avoir les moyens de l'y obliger. Les banques se sont fait tirer l'oreille, préférant souvent mettre en dépôt les sommes prêtées à 1% (quasiment données) par la BCE, auprès de la BCE elle-même, à des taux ridicules (0,25%) signe d'une totale absence de confiance dans la stabilité du système financier. Elles ont aussi profité de ces facilités pour faire rouler leurs propres dettes et continuer par ailleurs, à spéculer, puisque rien n'a été fait pour restreindre les possibilités dans ce domaine. Mais vu l'énormité des sommes engagées par la banque centrale européenne, le marché des dettes souveraines s'est tout de même détendu courant décembre, descendant légèrement sous les 5% pour les deux grands pays méditerranéens, tandis que le Portugal lui, miné par la récession et probable candidat à la succession de la Grèce est toujours lui, soumis aux attaques des financiers. Cela montre bien, s'il en était besoin, que le calme est très fragile et provisoire, tant la situation des deux pays de la péninsule ibérique est délicate (près de 25 % de chômage en Espagne)

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    En parallèle, l'Union européenne s'enferme dans sa stratégie de l'austérité et de la rustine institutionnelle, qui sans le soutien in extremis de la BCE aurait viré à une implosion certaine. Quoiqu'il en soit cette politique a des conséquences pour le moins fâcheuses et inquiétantes pour l'avenir.

    D'une part, la pression mise sur la Grèce en matière de désentettement sauvage produit des résultats catastrophiques : le PIB a ainsi chuté de plus de 7% au dernier trimestre 2011 (sur un an) et de près de 15% au total depuis le début de la saignée, qu'un médecin du 17ème siècle n'aurait pas reniée. Il se produit là l'effet habituel de l'austérité, qui réduit l'activité et donc les ressources fiscales et donc l'endettement, ce qui donne prétexte à la troïka en charge du dossier grec (Union européenne, FMI et BCE) pour réclamer plus d'effort de réduction de déficit. Le cercle vicieux dans toute sa splendeur. On attendra sans doute longtemps que ce triumvirat sans légitimité démocratique s'attaque avec la même fermeté aux évidentes faiblesses de l'état grec et notamment son impossibilité à recouvrer l'impôt que lui doivent certaines catégories privilégiées comme les armateurs ou le clergé orthodoxe (tiens lui aussi)

    Il y a dans la situation grecque, à la fois la matérialisation de ce que les nonistes de gauche redoutaient au moment de leur contestation du TCE et la préfiguration de ce que sera bientôt l'Union si on laisse cette évolution se dérouler sans entraves. Non seulement les préceptes économiques des élites actuelles sont ineptes et prouvent leur toxicité, ce depuis 30 ans mais avec une irréfutabilité d'airain depuis le déclenchement de la crise en 2007, mais également, l'obstination des représentants politiques unis dans leur néolibéralisme nous entraine vers une mis à bas de la démocratie. POur preuve, on soulignera les propos outrés suite à la proposition de referendum de Papandreou en Grèce, les évocations à peine feutrées de la gêne ou de l'agacement vis à vis des élections législatives d'avril dans ce même pays, ou encore et bien évidemment, les mécanismes de contrôle budgétaire interdisant les déficits, ce qui soustrait de la souveraineté des citoyens ce levier essentiel de la politique, le tout sans qu'ils n'aient été aucunement consultés.

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    Sur le sujet, la position de Jean-Luc mélenchon :

    http://www.jean-luc-melenchon.fr/brochures/tribune-libe-120220.pdf

    Si on ajoute à ce tableau sombre mais malheureusement très factuel, les tensions entre pays, nés de la crise de la dette, mais plus globalement de la mise en compétition des pays membres entre eux, la détresse sociale qui progresse partout, même si elle se concentre surtout en Grèce et en Espagne pour le moment, la montée en corollaire de l'extrême-droite partout en Europe (voire Orban en Hongrie, mais la France est particulièrement bien placée dans le domaine), les frictions géo-stratégiques au moyen-orient, le déclin économique des Etats-Unis toujours aussi mal en point, tout est réuni pour déboucher sur un épisode particulièrement pénible.

    Dans ce contexte, que penser des élections présidentielles française ? Il est évident que le sort du monde ne dépend plus de la France depuis belle lurette. Mais d'une part, il faut bien commencer la lutte quelque part, d'autre part notre pays fait partie de l'Union et a encore un rôle majeur à y jouer , pour peu qu'il retrouve un peu d'allant et de confiance en lui-même, dans les valeurs universelles qui l'ont marqué. L'Union, elle, premier marché mondial, qu'on écouterait donc avec attention si elle parlait d'une voix forte, y compris et surtout, si elle développait une parole de rupture, de changement, l'Union donc, peut, elle, décider, du moins influer sensiblement sur le devenir de notre planète.  Or, la France peut encore avoir un impact dans ce que peut-être l'Union, si elle décide d'adopter une attitude différente de celle qui est la sienne depuis trente ans.

    Qui parmi les candidats, porte cette potentialité de changement ? Il n'y en a qu'un et c'est celui du front de gauche.

    Il y a deux principales raisons à cela, c'est que dans son programme, d'une part, la compréhension de la crise entraine une volonté de réduire le secteur financier au rôle qu'il doit tenir, c'est à dire financer l'économie réelle, d'autre part rénover en profondeur la vie politique et la proposition de réunir une assemblée constituante est une initiative des plus cruciales, qui, dans le contexte actuel, pourrait créer une dynamique pourquoi pas similaire à celle qui a suivi les Etats généraux en 1789. Le système est moribond, il faut d'urgence penser à l'avenir et à une reconstruction du politique et partant, de l'économique qui lui est lié.

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    Je conseille à tous ceux qui, abreuvés de l'opinion mediatique autorisée, seraient sceptiques sur la qualité, à la fois du programme et du candidat du Front de gauche, de lire les billets de son blog, toujours très informatifs et d'une lucidité sans égale en comparaison des autres postulants à la présidence, les deux principaux les premiers, et d'écouter, voire de participer à ses meetings qui se révèlent à chaque fois, comme une rencontre politique d'où émane un discours de gauche, social, républicain et pédagogique qui n'avait pas été entendu depuis longtemps. A ce titre, il ne faut pas manquer celui qui se déroulera le 18 mars à la Bastille, dont le thème sera la démocratie et les institutions, thème d'actualité au moment où nos dirigeants étouffent la souveraineté citoyenne en se servant du paravent européen, pour mieux imposer un régime économique qui a fait les preuves de ses méfaits. Cette réunion pourrait bien marquer un tournant dans la campagne, par l'affluence qu'elle va entrainer et la force du discours qui y sera tenu.

    La gravité de la situation est telle aujourd'hui que les expédients d'une alternance qui résulterait du vote utile, en réalité de la négation du choix électoral, apparaissent comme totalement sous-dimensionnés face à une crise de système, qui à moins d'un véritable changement de cap, nous mène droit dans le mur. Pour ma part , je choisis Jean-Luc Mélenchon, parce qu'il est temps que le pouvoir nous reviennent à nous les citoyens. L'heure est venue de solidement prendre parti !

    http://www.jean-luc-melenchon.fr/

  • Money time

    La crise procède comme vous l'avez sans doute remarqué, d'un calendrier de plus en plus accéléré. Elle s'emballe, tout simplement, faute d'une prise de conscience réelle de nos dirigeants ou, pire, de leur volonté de ne pas accepter ce qui est pourtant désormais imparable : le chute de ce système.

    Depuis déjà quelques années, votre serviteur, inspiré par ses lectures et ses propres réflexions mâtinées d'une intuition qui pour le moment ne l'a pas trompé, a dessiné l'alternative de notre époque comme suit :

    -les décideurs ne se soumettent pas aux faits, préservent leur pouvoir et leurs intérêts coûte que coûte. Ils essaient de sauvegarder le système néolibéral en contournant, voire en supprimant la démocratie. Cela leur permet de faire porter tout le poids économique sur les classes populaires et moyennes, qui sont sommées de faire toujours plus de sacrifices, pour permettre aux rentiers de ne pas assumer le risque des placements financiers pour le moins aventureux qu'ils ont consentis. (les petits épargnants sont le noeud du problème, puisqu'ils servent de caution aux financiers pour se préserver, mais comme je l'ai déjà montré dans mes derniers billets sur la crise, c'est un argument qui peut aisément être démonté)

    -la prise de conscience d'une fin de règne s'impose à une majorité et l'hétérodoxie économique est mise en oeuvre afin de sauver le monde d'une période potentiellement dramatique qui suivrait un chaos économique. Il suffirait pour cela de revenir sur certains dogmes, à savoir permettre à la banque centrale européenne de financer directement les états pour les soustraire au chantage du marché et remettre en place un contrôle des capitaux pour définitivement court-circuiter le secteur financier et permettre aux investissements d'alimenter l'économie réelle, avec à la clé une meilleure répartition des richesses. Cette solution se heurte bien entendu à l'opposition radicale de la finance, relayée par le gouvernement français pour ne citer que lui, qui défend les banques avec un acharnement qu'on aimerait lui voir quand il s'agit du service public. Elle bute également sur les idéologues monétaristes et ordo-libéraux, très représentés à l'échelle de l'Union et surtout de l'Allemagne, sourde à toute tentative de monétiser la dette (financement direct) et agitant le spectre de l'hyper-inflation de l'année 1923, qui a certes durablement marquée les esprits par sa violence bien réelle, mais sert aujourd'hui de subterfuge pour camper sur des positions pourtant intenables économiquement, y compris pour les intérêts allemands à moyen terme.

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    Si vous n'êtes pas aveugles ou de mauvaise foi, vous aurez conclu que c'est la première option qui a été choisie. Les derniers épisodes grecs et italiens en témoignent de façon presque caricaturale et transparente : il n'y a qu'une politique possible, demander aux citoyens leur avis est passible d'excommunication inflexible (même si le referendum grec était tout sauf dirigé vers les électeurs de la part de Papandreou), tout politique qui n'est plus en mesure de tenir la barre solidement est prié de déguerpir, on le remplace par un représentant quasi officiel du secteur financier favorable au "fédéralisme européen", c'est à dire en ce moment, à la prise de pouvoir des marchés (Papademos a été vice-président de la BCE et proche de Goldman Sachs, Monti est conseiller de la même méga-banque)

    Certains vous diront que ces "experts" sont incorruptibles et valent bien mieux que les dirigeants qui viennent d'être exclus. On les trouve parmi les européistes les plus forcenés et bien entendu chez les néolibéraux qui ont toujours affiché leur défiance du politique et leur préférence vis à vis de la "gouvernance économique". Se passer de la consultation citoyenne est pour eux un signe de sagesse. Vous noterez qu'ils justifient la pertinence de leurx choix par les sondages qui montrent qu'une large majorité en Grèce comme en Italie, se réjouit du départ des anciens premiers ministres, ce qui vaut automatiquement soutien aux futures politiques d'austérité qui ne vont pas manquer d'être menées comme d'aggraver encore la situation (mais on ne change pas une méthode qui perd). Gourverner en s'appuyant sur les sondages, c'est une garantie démocratique, tout le monde en conviendra n'est ce pas ?

    Cependant, au contraire d'un Jean Quatremer, taulier du blog Les coulisses de Bruxelles, partisan du recadrage technocratique, qui hésite entre ce genre de retour de flamme propagandiste et une lucidité épisodique quand il se range à l'idée que seule la BCE peut sauver l'euro en rachetant sans limite les dettes publiques, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre pour dénoncer cette dérive autoritaire, au nom de l'Union, des marchés ou des deux à la fois. Ainsi, Jean-Pierre Jouyet, europhile s'il en est (président de l'autorité des marchés financiers et ex secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes du gouvernement de François Fillon), vient de dénoncer récemment la "dictature de fait" de la finance, contre laquelle les citoyens finiront par se révolter.

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    Nous en sommes donc là aujourd'hui, dans une dérive très prévisible de la situation politique, quand les mesures préconisées pour solutionner la crise, elles, sont toujours les mêmes et d'une inefficacité catastrophique. La récession s'invite à nouveau, l'austérité agit de façon pro-cyclique en contractant l'activité, les revenus fiscaux et donc en augmentant encore l'endettement, les marchés, comme des vautours, dépècent la bête en exigeant d'elle qu'elle leur fournisse plus de viande. Quand Nosferatu constatera que l'aurore pointe, il s'apercevra trop tard que tout le sang aspirée à sa victime désormais défunte, n'a servi qu'à raccourcir sa vie de mort-vivant. Nous serons à ce moment là, tous sur le même bâteau, malheureusement...

    Mais la période est encore aux sommets ultimes de la dernière chance qui ne se représentrera plus, dont on célèbre le néant décisionnel avec fastes pompes et moulinets de bras. Le FESF, fonds de solidarité est mort né, produit de vielles recettes financières (effet de levier, véhicule financier spécial) qui sont directement à l'origine de la crise. Il a de plus été fauché à la fois par les refus dogmatiques allemands et la future dégradation de la note française, qui ne permettra plus d'en faire un outil considéré fiable par le secteur financier. Ce dernier en aurait pourtant largement bénéficié mais il est pourtant directement à l'origine de cette fragilisation par ses attaques sur les dettes publiques. Le serpent se mord la queue...

    Le temps s'accèlère, la situation s'aggrave. Il y a pourtant des solutions, comme je l'ai déjà dit. Financement direct des états, contrôle des capitaux, restructuration du secteur financier (certaines mesures sont préconisées par Frédéric Lordon, voir mes favoris), discussion avec la Chine d'un nouveau système monétaire plus équilibré, qui pourrait s'isnpirer largemement du Bancor de Keynes (voir le blog de Paul Jorion en lien dans mes favoris), au final, une meilleure répartition des richesses et une économie durable. Ces solutions sont portées par une certaine offre politique, celle de Jean-Luc Mélenchon par exemple. Une partie des Verts les défendent également...

    La partie s'accélère et il ne reste plus beaucoup de temps avant un basculement irrémédiable. Comme au basket, c'est le moment crucial, qui porte diablement bien son nom, du money time... 

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  • La fin de l'histoire...

    Qui se rappelle de Francis Fukuyama, qui, se servant sans vergogne dans le vivier d'illustres philosophes, en avait quelque peu détourné les préceptes pour théoriser la victoire sans discussion du modèle américain, c'est à dire de la "démocratie de marché". C'était au sortir définitif de la guerre froide. Le Mur de Berlin n'était plus debout, le géant soviétique, gisait terrassé par la course qu'il avait accepté de livrer avec l'autre super-puissance. Il n'y avait plus d'obstacle au capitalisme, qui allait désormais s'imposer dans la joie et la félicité, pour l'éternité. Nous étions à la fin de l'Histoire...

    Les tenants du marché totalement libre s'en sont alors donnés à coeur joie en généralisant jusqu'aux moindres parcelles de la vie quotidienne, les dogmes de ce capitalisme financiarisé, que nous appelleront du vocable généraliste de néolibéral, mais qui regroupe diverses théories économiques comme celles issues de l'école néo-classique, celle de Chicago avec les monétaristes friedmanniens, les ultra-libéraux disciples d'Hayek et les ordo-libéraux plutôt germaniques.

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    Une belle tête de vainqueur, ce Francis !

     

    La ruée vers les profits n'a plus connu de limites et a réorganisé en profondeur la société, son rapport à l'argent, au travail, aux individus, phénomène déjà enclenché depuis le milieu des années 70 et brutalement accéléré avec la disparition de l'idéologie adverse, qui a entrainé la chute de toute la gauche avec elle, soit par complicité d'icelle, les socio-démocrates se rangeant dans cette catégorie, soit par ricochet intellectuel, la gauche dite radicale (en réalité aujourd'hui la gauche redistributrice, socialiste en somme), en ayant fait les frais.

    Il s'est opéré durant cette période un transfert des revenus, du travail, vers le capital, à la suite des diverses libéralisations, de la libre circulation des capitaux notamment, transfert générés par la hausse des rendements actionnariaux, eux-mêmes corollaires de la recherche de la compétivité, fruit certes de l'innovation, mais surtout de la compression des coûts. La productivité en forte hausse y a participé, mais c'est bien par la compression salariale, sous la pression de nouvelles méthodes de management (j'aurais tendance à dire pour ma part en appliquant LE management, puisque ce terme est avant tout un vecteur idéologique) et de l'externalisation des productions dans les pays à très faible salaires (Chine etc...) que les actionnaires ont obtenu ce qu'ils voulaient. Puisque, dans le même temps, il fallait bien acheter les produits, le crédit s'est substitué à la hausse des rémunérations des employés.

    En parallèle, à la fois pour parer à l'abandon en 1971 de l'étalon or par Nixon, de l'instauration d'un système de changes flottant pour les monnaies, et pour éviter les phénomènes inflationnistes peu appréciés des rentiers, les Etats se sont délestés de la possibilité de créer de la monnaie et donc de se financer directement. Ils ont donné leur indépendance aux banques centrales et ont fait appel au privé pour négocier leur dette. La France s'y est conformée en 1973 et curieusement, le gonflement de la dette publique a automatiquement commencé. Il faut dire que c'est un juteux marché, incroyablement sûr pour les investisseursn du moins l'était jusqu'à ce qu'on dépasse les limites du raisonnable et qu'on en arrive à tuer la poules aux oeufs d'or.

    De concert, dans une bonne humeur partagée, les dettes privées et publiques se sont engraissées, jusqu'au moment où le système allant au bout de sa logique de captation des richesses par une minorité, n'a plus tenu qu'à un fil, tant l'insolvabilité virtuelle d'une grande majorité d'acteurs économiques était énorme. Elle fut de plus étendue et complexifiée par une batterie d'instruments financiers censer disperser le risque, si apprécié par les capitalistes, qui cherchent pourtant par tous les moyens à l'éviter. Il s'agit des fameux produits dérivés, aux acronymes aussi mystérieux que leur traçage est difficile : CDO, CDS etc...

    Tout cela marche tant que la croyance en l'éternité de la hausse des profits n'est pas enrayée par un petit détail fâcheux, un mécréant qui va poser une mauvaise question ou soulever un coin de tapis avec de la poussière dessous. Les fameuses agences de notation, si décriées aujourd'hui parce qu'elles ne vont plus dans le bon sens, ont joué le rôle de prophètes de bonheur, attribuant le non moins célèbre triple A, la meilleur note possible garantissant une solidité financière au dessus de tout soupçon, à tout ce qu'on voulait bien leur présenter. Il faut dire que souvent, les clients, banques, hedge funds..., étaient souvent aussi les notés ainsi que leurs produits. Et il y avait tellement de fric à se faire...

    Il y avait bien eu des alertes pourtant, depuis la libéralisation du secteur financier. Les crises financières se succédaient de plus en plus fréquemment, alors qu'il n'y en avait quasiment pas eu durant les trente glorieuses, quand les capitaux étaient contrôlés. Une affreuse période bolchevisante heureusement révolue, qui avait laissé le champ libre au capitalisme financiarisé et ses petites embardées si naturelles et si créatrices in fine selon ses défenseurs (crach de 1987, crise de 1993, bulle internet en 2001...)

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    Puis vint la chute de la banque Lehman Brothers et la prise de conscience brutale que tout le crédit et la titrisation de ce crédit qui avait été produite ne serait pas remboursés, que les ménages américains sur-endettés et sous salariés, ne pourraient faire face à leurs engagements. Boum, l'immobiler, boum les banques, boum, l'économie dans son ensemble.

    Il y avait à ce moment là deux options.

    La première était de tirer rapidement les leçons de la folie spéculative des trente dernières années et de ses causes, de prendre les établissement financiers en tutelle des pouvoirs publics et d'organiser une restructuration de la dette, en privilégiant les citoyens, afin de les rendre solvables, ce qui en conséquence aurait permis aux créanciers et donc aux banques, de retrouver une certaines assise, malgré des pertes incontournables, notamment pour ceux qui avaient risqué en dépit du bon sens et du bien commun.

    La deuxième était de sauver sans condition les banques par l'argent public et opérer un immense transfert de la dette, du privé, au public. Cette solution privilégie clairement les rentiers aux travailleurs. Certes, ils sont parfois les mêmes et c'est le piège ultime de ce système que de s'être assuré par ses composantes les plus fragiles. Mais une garantie par niveau d'épargne aurait été possible ce qui aurait permis de punir les gros spéculateurs...

    Vous savez quelle solution a été choisie et quelles en ont été les conséquences. Les dettes publiques ont explosées et la finance, remise sur pieds et en pleine santé, exigeant de ses sauveurs d'apurer un gouffre qu'elle avait creusé, afin de mieux aspirer ce qui reste d'actifs (l'argent public qui ne termine pas dans ses poches, d'où la demande urgente de privatisations et de réduction du périmètre de l'Etat. Il y a encore quelques marchés à conquérir pour les criquets de la finance)

    Nous en sommes là aujourd'hui, au moment où ce qu'il faut bien appeler une oligarchie, tente, avec la complicité plus ou moins consciente des représentants élus, de substituer son pouvoir à celui des citoyens. La récente discussion autour de ce qui est déjà appelé de façon panurgique par les media, la "règle d'or", à savoir fixer dans la constitution l'obligation faite aux états de présenter des budgets en équilibre, est une façon de canaliser l'offre politique, et les solutions économiques qu'elle peut mettre en oeuvre suivant l'idéologie qu'elle porte. Il ne doit plus y avoir d'alternative à ce que le profit soit détourné par une minorité...

    Ce faisant, ceux qui soutiennent ce programme jouent terriblement avec le feu. L'économie occidentale est saignée par les plans d'austérité qui font payer les contribuables plusieurs fois : une fois pour assurer donc, le transfert de la dette privée vers les états, une deuxième par la réduction du champ des services publics, ce qui constitue autant de salaire indirect en moins en même temps que cela accroit de facto les inégalités, une troisième par la déprime de l'économie, les pertes de salaires voire d'emplois que provoquent les politiques actuelles. On se demande comment va bien pouvoir tourner l'économie. Les limites de l'économie de l'offre, le modèle allemand par exemple, axé sur l'industrie et la déflation compétitive (donc par l'appauvrissement d'une bonne partie de sa population, 20% de travailleurs pauvres tout de même), c'est qu'il faut tout de même trouver des acheteurs (rôle tenus par les affreuses cigales jusqu'à maintenant).

    Les conséquences sociales et donc politiques de ce choix peuvent s'avérer pour le moins explosives. Il n'y a qu'à constater la montée de l'extrême-droite partout ou presque en Occident pour s'en rendre-compte. Les replis nationalistes sont dores et déjà à l'ordre du jour et certains réflexes qu'on croyait disparus refont surface. L'Allemagne est tentée par l'égoïsme et un chemin solitaire qui réveillent de vieilles inquiétudes, d'autant que la France, son partenaire d'équilibre indispensable en Europe, est loin d'être à la hauteur des enjeux, faute de dirigeants un tant soit peu lucides et compétents (en réalité la plus belles bandes d'incapables et de charlots qu'elle ait compté à sa direction depuis les débuts de la cinquième république).

    L'Union européenne est, elle, sous la coupe d'idéologues fanatiques dont le gouverneur de la banque centrale euroépenne, Jean-Claude Trichet, est un exemple quasi caricatural, crispé sur le dogme monétariste qui a conduit la monnaie unique à la fragilité qui est la sienne aujourd'hui. Alors qu'elle constitue le premier marché mondial donc un espace décisionnel incontournable, elle est incapable de prendre les bonnes décisions pour sa survie, à savoir revenir sur les traités et autoriser le financement direct des Etats ainsi que le contrôle des capitaux, ce qui mettrait un terme à la crise de la dette publique en Europe, en court-circuitant les marchés, et forcerait probablement le monde à discuter d'une autre organisation monétaire. Au lieu de cela, la tentation est grande, face aux forces centrigufes issues pourtant du modèle gravé dans les traités, de passer en force et de cristalliser définitivement le néolibéralisme dans une construction qui n'aurait plus grand chose de démocratique, le tout pour prolonger quelque temps seulement la vie artificielle d'un système économique à bout de souffle.

    Force est de constater que les analyses prospectives des nonistes de gauche depuis 2005 se sont révélées exactes et que l'autisme continue à régner en haut-lieu, porteur des conséquences potentiellement des plus funestes.

    Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins, ce qui relègue ce brave Fukuyuma dans les oubliettes de l'Histoire qu'il voulait terminer. Certes, une page va se tourner afin d'écrire une suite qu'il faut être bien optimiste pour espérer belle à court terme. Pour le monde que nous avons connu depuis trente ans, c'est la fin de l'histoire...

     

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    Bonne vacances quand même ! (tant qu'on en a faut en profiter...)