J'ai renoncé plusieurs fois à écrire un nouveau billet d'actualité politique, tant il peut parfois apparaître vain dans la situation actuelle de vouloir éveiller les consciences sur la dangerosité des dynamiques en cours dans notre pays et dans le monde en général. Il en faut bien quelques uns pourtant pour continuer à lancer les alertes, forcer les regards vers d'autres perspectives d'avenir, tenter de sortir les têtes du sable.
Après la dernière séquence électorale, que dire du paysage politique ? Les partis de gouvernement bloqués sur leur consensus néolibéral toxique sont désavoués, le Fn largement institué comme seul réceptacle officiel du mécontentement est le seul à tirer son épingle du jeu, la gauche assumée stagne et pâtit des échecs et des reniements du Ps, qui signifie à tort gauche dans son ensemble pour beaucoup de citoyens. Le parti de l'abstention, qui n'agit sur rien et laisse les clés du pays aux puissants, est la seule force, quoique impuissante par constitution, en progression.
Malgré la débâcle des politiques mises en oeuvre par le gouvernement actuel, en totale continuité avec les précédents, ce sont les idéologues du libéralisme économique qui sont sur toutes les ondes, professant doctement qu'il faut accentuer les réformes, celles-là mêmes qui échouent pourtant partout dans le monde, sauf si on considère que l'explosion des inégalités, l'érosion continue de la classe moyenne, la hausse de la pauvreté dans les pays développés, soient des indicateurs de réussite économique.
Le temps des cerises semble bien loin encore
Il a pourtant été dit maintes fois que l'austérité, la stagnation ou la baisse des salaires, la destruction des services publics et des revenus indirects qu'il génère, ne pouvaient que contracter l'activité et provoquer la récession et le chômage. L'assouplissement des droits des salariés ne fait que créer de la précarité en baissant de façon artificielle le nombre de chômeurs. Cette situation ne profite qu'aux rentiers et aux dividendes qu'ils touchent sur le dos de l'immense majorité de la population. Jean-Luc Mélenchon par exemple, sur son blog, a expliqué et continue de le faire, pourquoi nous allons dans l'impasse et ce qu'il conviendrait de faire pour en sortir. Force est de constater qu'il a eu raison, comme votre modeste serviteur en passant, sur la majorité des points qu'il a abordé depuis le déclenchement de la crise qui nous concerne aujourd'hui.
Pourtant ce n'est pas au système financier, celui qui capte la richesse au détriment de l'économie réelle, des investissement, des salaires, des ressources des Etats, que les citoyens semblent vouloir s'attaquer, mais à ceux qu'ils côtoient tous les jours, en les soupçonnant de leur prendre le peu qu'ils ont : les immigrés, les fonctionnaires et autres boucs-émissaires faciles à attaquer. Pourtant, les détruirait-on tous que cela ne règlerait pas le problème. Il faudrait trouver d'autres exutoires aussi inefficaces.
Comment, après trente ans de propagande de tous les instants, faire comprendre que l'Etat est la solution et pas le problème, que l'impôt est le meilleur outil pour faire fonctionner une société, s'il est juste, progressif et bien utilisé, que penser à l'autre est infiniment plus protecteur pour soi que de vouloir légitimer les luttes inter-individuelles ? Celles-ci n'aboutissent qu'à la domination d'une infime minorité dont les intérêts convergents sont suffisamment puissants pour qu'elle se construise un bouclier fait de ceux qu'elle asservit pourtant.
Comme le disait Spinoza, relayé notamment par Frédéric Lordon, il n'y a pas de force intrinsèque des idées vraies. En d'autres termes, être dans le juste, proposer les bons diagnostics et les solutions pertinentes ne suffit pas à être porté au pinacle, sinon au pouvoir.
Nombre de citoyens s'aperçoivent bien pourtant que les politiques menées ne sont pas efficaces, sont complètement contre-productives voire tout bonnement désastreuses. Ils ne font pas la moindre confiance aux représentants politiques incapables de sortir du jeu du pouvoir et des carrières, englués dans des schémas de pensée erronés et dogmatiques. Mais ils préfèrent pour le moment s'effacer dans l'abstention ou donner leur espoir à une formation politique qui bien que récupérant à tour de bras le programme de la gauche assumée, sans pour autant en saisir et en définir la complexité, reste un parti d'extrême-droite, misant sur la haine de l'autre pour favoriser lui-aussi la situation d'une élite, qui bien que nationale, ne se préoccupera pas plus du bien être de la population que celle au pouvoir actuellement, l'autoritarisme, la xénophobie et la chasse aux opposants en plus.
Saint-Just : "Le bonheur est une idée neuve en Europe" Encore aujourd'hui, manifestement...
Néanmoins, comment ne pas comprendre le désarroi de citoyens qui voient leur pays être constamment dénigré et affaibli de l'intérieur depuis tant d'années. Tous leurs repères leur sont enlevés au nom du modernisme ou de l'Europe, alors qu'on ne leur propose qu'un avenir fait de régression sociale et d'individualisme destructeur du sens de toute chose. La libéralisation de la finance conjugué à l'intégration européenne ont privé la politique de toute possibilité d'action. La même direction est suivie depuis des décennies alors qu'elle a fait basculer le monde dans une de ses crises les plus sévères. Droite et gauche sont invoquées alors même que le contenu programmatique est strictement le même. L'hypocrisie et le cynisme font des ravages, lassent, dégoûtent, désespèrent...
Compte-tenu du sens frelaté qu'ont maintenant certains mots, la gauche en fait partie, il est presque illusoire de s'associer une majorité d'électeurs en s'en revendiquant. Mais peut-être que, face aux dégâts considérables causés par le néolibéralisme, constituer un mouvement unifié de résistance (MUR) est-il possible. Il s'agirait de fédérer autour de quelques thèmes principaux qui transcendent les clivages :
-la réhabilitation de notre pays en réaffirmant la nécessité de préserver son modèle politique et culturel, tout en l'optimisant, tout en gardant ses points forts : la continuité territoriale, les services publics, ses terroirs agricoles etc...
-redonner la souveraineté au peuple, aux citoyens en restructurant la finance et en sortant de l'Union s'il n'est pas possible de la réorienter, en changeant des institutions pour que ne soit plus permis le cumul exagéré des mandats, les carrières politiques une vie durant, le pantouflage, qu'au contraire soit autorisée l'implication plus grande des citoyens dans la vie politique, notamment en rendant possible les referendums d'initiative populaire et révocatoire pour le président de la république
-réaffirmer l'idéal républicain, sa laïcité, son ordre, son universalisme.
-réorienter les politiques économiques vers un développement durable, innovant, privilégiant l'emploi, les salaires et l'indépendance nationale plutôt que les profits des actionnaires, la désindustrialisation et la perte de souveraineté.
Bleu, Liberté, Blanc, Egalité, Rouge, Fraternité
Notre pays doit relever la tête et c'est en cessant d'avoir honte de ce qu'il est et a été qu'il le fera, pas en se fondant dans une entité qui le prive de son génie et de ses capacités de rebond. Ce n'est pas céder aux sirènes du nationalisme de l'exclusion et de la confrontation que de le dire, mais au contraire retrouver le souffle de la grande Révolution, de l'universalisme et de la coopération, sur laquelle la France a construit sa modernité, malgré l'Europe coalisée contre elle, Europe qui finira finalement gagnée par les idées qu'elle avait combattue en pure perte.
C'est en s'inspirant du Conseil national de la Résistance que nous sortirons de ce marasme et que nous pourrons construire le temps des jours heureux. Il est temps de défaire les néolibéraux et le poison qu'ils distillent, il est temps de les mettre au pied du MUR.