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Film

  • Honni soit qui Malick pense !

    Ah tiens, pas de billet sur la crise ? Mais ça commence à faire longtemps ? C'est ce que vous vous dites probablement mes chers lecteurs. Mais pourquoi donc répeter encore et encore ce que j'ai pu dire ici depuis plus de quatre ans ?

    L'Europe coule lentement, victime des choix bornés de ses dirigeants, crispés sur l'austérité, tandis que le secteur financier, bien requinqué, souflle à nouveau très fort pour gonfler une bulle qui emportera tout sur son passage, quand l'euphorie se heurtera comme d'habitude à la réalité, à savoir une économie réelle exanque et privée de consommateurs. Wall street en témoigne, allant de records en records, profitant du déluge de liquidités que lui offre la banque centrale fédérale.

    En France, le gouvernement Hollande paie déjà le prix de son ralliement total à l'orthodoxie. Inutile de s'attarder sur sa politique stupide et proprement révoltante pour une formation qui voudrait se situer à gauche, mais qui pérennise pourtant, en les accentuant encore, les mesures prises par l'Ump précédemment au pouvoir. L'échec prévisible et prévu, notamment par le Front de Gauche, est au bout du chemin. C'est navrant et très dangereux, mais tout a déjà été dit, notamment ici et durant la campagne présidentielle. Ceux qui ont voté "utile" méditent, je l'espère, sur leur absence préjudiciable de lucidité...

    Aujourd'hui, je vais vous parler d'une autre crise, celle d'un réalisateur qui a pourtant commis un des films que je considère comme un chef d'oeuvre, La ligne rouge, et qui vient de la dépasser, en livrant son dernier opus, A la merveille : j'ai nommé Térence Malick.

    Malgré une impression très défavorable laissée par la bande-annonce, je suis allé voir et je ne laisse aucun suspense, c'est assez mauvais.

     

    A la merveille, c'est l'histoire, bien que ce terme soit très abusif, de Marina et de Neil. Ils se sont rencontrés en France et sont tombés amoureux, tant et si bien, que le petit couple et la fille de Marina, qui a dix ans, partent vivre en Oklahoma. Mais les déracinées ne s'adaptent pas très bien à leur nouvelle vie. Et c'est tout ou presque...La trame très fine autour de laquelle se construit le film, c'est le doute autour des sentiments et de la foi en l'amour, questionnements que rejoint un prêtre de la petite localité américaine, joué, enfin, figuré par Javier Bardem.

    Térence Malick a donc décidé de se passer quasiment de scenario pour ce long métrage, au profit quasi exclusif de sa "réflexion" métaphysique. Si cette dernière a toujours été présente dans toutes ses réalisations, elle était jusque là au service de l'histoire, même si dans Tree of life, que je  n'ai pas vu, il semble que Malick avait déjà mis très en avant sa cosmologie. Ici, la philosophie est omniprésente, au travers des voix-off des différents personnages, assez laconiques et pénétrées, qui récitent quelques pensées sur les thèmes que j'ai précédemment cités. Les dialogues eux, sont réduits à la portion congrue. Neil, joué par un Ben Affleck à peine vivant, est lui quasiment silencieux durant tout le film. 

    Difficile donc de s'attacher aux personnages, malgré la beauté de Marina (Olga Kurylenko) et de Jane (Rachel MacAdams) qui la remplace le temps d'une parenthèse, dans le coeur de Neil. De plus, si la virtuosité du réalisateur est toujours bien présente, avec cette photographie sublime qui le caractérise et des plans superbes, notamment au Mont Saint Michel, elle ne permet pas d'emporter le spectateur, comme c'était le cas pour La Ligne rouge ou Le nouveau monde. La magie est asphyxiée par la lourdeur, l'asthénie du propos, et l'absence de script. L'esthétique ne peut pas tout. Plus encore, elle perd toute sa magie quand elle n'est pas au service de l'objet cinématographique.

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    © Metropolitan FilmExport

     

    Une déception donc. A la merveille est un projet raté et redondant, dont j'espère qu'il ne préfigure pas la direction qui serait celle désormais choisie par un Malick, aveuglé par ses préocupations philosophiques et de plus en plus religieuses, donc indigestes. J'ai toujours été captivé par l'aspect contemplatif de l'oeuvre du cinéaste parce qu'il était suffisamment universel pour dépasser la subjectivité de l'auteur. Ce n'est plus le cas depuis deux films apparemment...

  • Pas de gène entre nous !

    Il y a quelques jours, j'ai lu un article du Monde sur une entreprise américaine basée dans la Silicon Valley, 23andme, qui propose le décodage du génome des particuliers à leur demande, pour la somme de 1000 dollars.

    Je vous donne le lien de cet article qui devrait être lisible encore une semaine environ avant de passer dans les archives payantes du quotidien vespéral :

    http://www.lemonde.fr/sciences-et-environnement/article/2008/06/06/ton-genome-pour-1-000-dollars_1054735_3244.html

     

    Bien sûr, on peut comprendre la curiosité que quelqu'un peut avoir au sujet de sa signature génétique,  sur son souhait de savoir si son héritage chromosomique vient plutôt de son père, de sa mère, ou des ascendants plus éloignés etc. Mais on devine aisément les dérives qui peuvent naître de la connaissance de tout un patrimoine génétique dans la société hyper-marchande et amorale dans laquelle nous vivons. Or l'article le montre de façon clinique. Ainsi, un des clients de la société en question, lui même employé de Google, voit un grand intérêt dans l'utilisation de l'identité adn d'une personne à des fins de recrutement dans une entreprise par exemple (savoir s'il a une prédisposition pour mener un groupe ou s'il est plutôt suiveur, si bien sûr il a peu de risque de maladies etc) ou même pour accepter ou non le prétendant futur de sa fille, qui devra présenter des garanties génétiques impeccables. 

     

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    Je pense qu'il n'est pas utile de développer sur les conséquences de cette volonté d'eugénisme, sur cette inégalité quasi-insurmontable qui pourrait se créer entre les génétiquement "avantagés" (les winners) et les autres (les losers, artistes, originaux, inadaptés et autres parasites), sur la course à la modification génétique qui s'en suivrait et sur l'inévitable sélection par l'argent qu'elle entrainerait.

    Bien sûr, les deux dirigeantes et créatrices de l'entreprise,  Anne Wojcicki et Linda Avey écartent d'un revers de main les inquiétudes que peuvent faire naître leur démarche. Il y aura disent-elle des retombées médicales importantes. Certes...Elles profiteront à ceux qui auront les moyens. Les Etats-Unis vont faire voter une loi interdisant la discrimination sur critères génétiques assurent-elles. C'est beau la fausse naïveté...Elle enchaînent sérieusement sur les possibilités d'orientation d'un enfant en vertu de ses caractéristiques d'apprentissage. Houla, petit dérapage dont elles n'ont même pas conscience. Enfin pour elle, le service qu'elle propose va repeindre l'avenir en rose bonbon et nul doute que les concernant, le futur va être couleur dollars.

    En lisant le papier, j'ai automatiquement pensé à ce magnifique film qu'est Bienvenue à Gattaca, d'Andrew Nicoll, qui était une oeuvre d'anticipation à sa sortie, et qui ne l'est plus, puisque comme prévu, la réalité va rejoindre bientôt la fiction.

    J'avais chroniqué ce long métrage sur un site internet il y a quelques années. Pour l'occasion, je vais la reprendre et vous faire bénéficier de mon art de la critique, bande de chanceux !

    Hop, c'est parti !...

     

     

    L’acide désoxyribo-nucléique contient dans ses filaments de protéines les plans de chacun de nous. C’est lui qui décide si de jolies boucles d’or fleuriront sur une chevelure ou si des yeux auront le reflet mouvant d’une mer sombre. Il est même possible que ce soit lui qui écrive en lettres légères et cabotines, si les cheveux blonds raviront un jour les iris bleues… Mais si les gènes nous déterminent en grande partie doit on penser qu’on puisse n’agir que selon notre patrimoine génétique, n’être gouvernés qu’en fonction de lui, en en faisant un critère de sélection, de ségrégation ?…

    C’est cette question que soulève subtilement  Bienvenue à Gattaca

    Descendons légèrement le cours du temps vous le voulez bien ? Oh pas beaucoup, pas loin, juste deux ou trois méandres, une cinquantaine d’années, peut-être moins… De part et d’autres des rives atteintes, défile un monde que nous préparons implacablement aujourd’hui, un univers où les hommes sont maintenant triés comme des ordinateurs, par des ordinateurs. Il y a les « intel inside » et les autres, les sélectionnés et les enfants naturels, les « valides » et les « non-valides »…

    Vincent (Ethan Hawke ) est le fruit bio d’un amour vrai, un rejeton de la matière parentale, un mélange de qualités et de défauts, de forces et de faiblesses…Son cœur notamment n’est pas vaillant. Sa vue n’est pas parfaite non plus…Ce n’est pas un « valide », son patrimoine génétique n’a pas été sélectionné, ni retouché, mais sa vie est déjà connue, jusqu’à la mort. Les rubans d’ADN se sont déroulés comme la pellicule d’un film, à ceci près que le début en détermine la fin…Vincent mourra à trente ans environ et il ne pourra occuper qu’une position subalterne dans la société. Le génome a parlé avant même que le bébé ait émis ses premiers gazouillements…

    Mais le jeune garçon qui grandit n’a pas les pieds sur terre. Il a la tête dans les nuages, les yeux tournés vers les étoiles. Il veut les décrocher… Malheureusement, devenu adulte le seul espace que lui autorisera sa carte génétique est celui de l’école d’officiers-navigateurs de Gattaca qu’il devra nettoyer et faire briller comme un soleil. A défaut du ballet tournoyant des planètes, il jonglera avec son balai de technicien de surface…

    Seulement voilà, Vincent ne court pas vite, il se fait aussi toujours battre à la nage par son frère, dont les chromosomes ont soigneusement été nettoyés à sa conception, mais il sait rêver, il est supérieurement doué pour modeler l’espoir, le ciseler en forme d’avenir. Qu’importe alors les moyens pour lui de fendre un jour le vide inter-planétaire dans un de ces vaisseaux-fusée qui s’élancent à un rythme de métronome depuis la base de Gattaca. Quel qu’en soit le prix, il le fera…Même s’il doit pour cela devenir un pirate génétique, un de ces individus subversifs honnis et traqués par le système, un de ces rebelles qui prennent l’identité d’un valide jusqu’à utiliser son propre génome pour tromper les systèmes de détection de validité omniprésents.

    Jérome Morrow (Jude Law ), un valide (devenu physiquement invalide suite à un accident, vous me suivez ?) cynique et désabusé va ainsi prêter sa perfection à Vincent pour l’aider à occuper son propre poste au sein de Gattaca . Vincent va devenir Jérome et réaliser son rêve, n’éveillant les soupçons que chez une de ses collègues de travail, Irène Cassini (Uma Thurman ), troublée par l’enthousiame inhabituel du nouveau venu…

    Mais survient un jour un meurtre dans l’enceinte de l’école…Tout est alors passé au peigne fin dans l’espoir d’obtenir la signature ADN du coupable. Un cil de Vincent est trouvé… Le coupable ne peut-être que ce non-valide dont la photo apparaît à la suite de l’analyse…Le jeune homme est maintenant traqué et son rêve en péril si jamais la police parvient à faire le rapprochement entre lui et Jérome… Mais y arrivera-t’elle ? Vincent s’envolera-t’il vers les étoiles ? La statue de la liberté est-elle nue sous sa toge ? Suis-je sain d’esprit ? Lisez vous vraiment cette chronique ?

     

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    Je sais bien que le suspens vous assèche la bouche (c’est dur à prononcer hein !  ), mais je n’en dirai pas plus sur la trame de l’histoire ! Ce serait gâcher un petit bijou de film d’anticipation… Quelques mots sur le réalisateur…Andrew Niccol est un Néo-Zélandais de 44 ans qui a fourbi ses premières armes dans la publicité en Angleterre…Bienvenue à Gattaca, sorti en 1997, est son premier long métrage, ce qui est d’autant plus remarquable quand on connaît la qualité du film. Cela dit, il est aussi scénariste et pas franchement mauvais puisqu’on lui doit l’histoire de  The Truman show  , le meilleur film dans lequel soit apparu l’homme élastique, le rigolo gonflant, la réincarnation de Jerry Lewis de son vivant, Jim Carrey !! (on ne l’applaudit pas bien fort s’il vous plait, ça l’encouragerait…) (depuis est sorti Eternal sunshine, de Michel Gondry et Carrey est nettement remonté dans mon estime)

    Niccol a depuis commis une autre réalisation,  Simone , apparemment moins remarquée et dont je ne parlerai pas puisque je ne l’ai pas vu et qu’en plus et en ceci la vie est parfois bien faite, ce n’est pas le sujet de cet avis… (depuis je l'ai vu et c'est pas mal du tout)

    Bienvenue à Gattaca est un film de science-fiction, presque dans le sens littéral du terme en effet, car son thème aborde les conséquences directes du progrès en génie génétique, dans une société qu’il a façonné… En ce sens, il est directement en phase avec certaines questions éthiques qui se posent actuellement et constitue une œuvre d’anticipation proche à peine fictive. Il est vrai que l’eugénisme n’attend probablement plus qu’un avis de respectabilité pour venir policer encore davantage une humanité déjà rigide et normative. Mais cela mériterait une réflexion à part entière et j’en vois déjà qui se disent ça y est le Nicks est parti en vrille à plat(1), il est foutu, va-t’il pouvoir s’éjecter ?

    Et bien oui mesdames et messieurs ! Et le temps d’une douce descente en parachute dans le ciel brumeux de mon esprit, je vais pouvoir vous décrire ce qui fait la quintessence de cette œuvre d’atmosphère qu’est Gattaca. En effet, science-fiction n’est pas synonyme de science-action. Andrew Niccol nous offre ici en décalage complet avec les blockbusters pétaradants, dispendieux en poudre aux yeux, avares en émotions, un long métrage d’une finesse qui n’a honoré de sa présence qu’une poignée de représentants du genre jusqu’à maintenant. Ici pas de bastons ni d’explosions, mais une histoire et une ambiance… Cette dernière contribue de façon essentielle à la réussite du film en déroulant pendant 1h47 un esthétisme glacé qui traduit avec justesse la froideur et l’inhumanité de ce futur imaginaire ( mais pas tant que ça ). Dans ce monde qui traque tellement les défauts qu’il étouffe la fantaisie, le manque de chaleur se ressent dans chaque plan… Le réalisateur a choisi de restituer un univers que l’on peut qualifier de rétro-futuriste, un ersatz revival mais technologique des années cinquante, avec toutes les options dans le package : architecture monumentale et anguleuse à faire pleurer la cité radieuse d’un Le Corbusier, véhicules électriques ne cachant pas leur parentèle avec notre brave DS et la rustique Traban, policiers en trench-coat et feutre vissé sur la tête façon chasseur mac-carthyistes…Tout pour inspirer la joie et la bonne humeur donc…

    Se mettant au diapason de cette société pesante qui défrise les accroche-cœur d’un sévère haussement de sourcil, Niccol filme très sobrement. Il fait couler son histoire à la manière d’un grand fleuve paresseux mais résolu…Cependant, sobre ne veut pas dire négligé bien au contraire ! Cadres et photo sont très travaillés et renforcent l’impression de mélancolie, de déshumanisation, d’impersonnalité et d’implacabilité qui se dégage de Gattaca. La pellicule nous impressionne ainsi de quelques grandes perspectives architecturales où se perdent notre regard et les acteurs eux-mêmes, elle joue avec ombres et lumières aspirant le moindre reliquat tiède de ce futur socialement arctique…

    Pour préserver la température à son minimum, l’image se dote d’un rendu très mat, évite les éclairages verticaux en privilégiant les sources lumineuse rasantes ou latérales, en préférant les ambiances d’aube froide et de crépuscule glacé aux zéniths solaires étouffants. Comme si cela n’était pas suffisant, le réalisateur nous plonge de temps en temps dans un océan opaque et fumant comme de l’azote liquide. Les frissons naissent naturellement de ces bains forcés qui feraient passer un après-midi sur une plage de Bretagne pour une balnéothérapie tropicale ( je prierais avec insistance les bretons de prendre ceci au deuxième degré merci ! ) Enfin bref, il fait pas chaud dans ce film, vous l’aurez déduit de mes écrits avec la perspicacité qui sied à un lectorat sur-entrainé comme vous l’êtes…

    La musique se met bien entendu en accord(s) avec ce climat un peu résigné…Elle est de mon goût vraiment superbe, très solennelle, triste mais pourtant déterminée. Les cordes enroulent sa mélodie comme une liane grimpante à la recherche de lumière , sa progression chromatique s’échelonnant comme autant de marches vers les étoiles, le but de Vincent…Merci à Michael Nyman pour cette composition magnifique et entêtante ! A noter qu’il se fait un spécialiste des airs imparables puisqu’on lui doit aussi la bande musicale de La leçon de piano

    Je reviens sur mon analogie entre l’accompagnement sonore et la liane entortillée pour réaliser une transition de première division à propos de l’habillage du film. Andew Niccol a en effet truffé son film de petites références à L’ADN qui est quand même à la base de l’histoire. Ainsi, l’escalier de l’appartement de Jérome est en double hélice et le nom Gattaca est constitué des quatre lettres renvoyant aux protéines de l’ADN, la guanine, la cytosine, l’adénine, la thymine (G C A T) . Voire et c’est dire si j’ai raté une vocation de critique ciné à Télé-Z, le choix de la couleur dominante de certaines séquences me semble lié également aux quatre couleurs par lesquelles on représente généralement les composants protéiniques de l’ADN, à savoir le bleu, le jaune, le rouge et le vert. J’ai remarqué quelques plans quasiment monochromes et utilisant ces nuances, vous n’aurez qu’à vous amusez à les chercher ! Mais c’est assez flagrant tout de même, notamment à l’ouverture du long métrage, d’un superbe bleu iceberg…

    Tout ça pour dire que Bienvenue à Gattaca est fignolé comme de l’artisanat d’art et que c’est un ravissement pour les yeux. Et les acteurs ne dénotent pas dans ce tableau, c’est le moins que l’on puisse dire ! Effectivement, le casting nous offre deux beaux gosses de concours, au physique scandaleusement avantageux et une femme pas franchement moche non plus… Ethan Hawke ne souffre pas de reproches dans son jeu, discret, voire effacé, mais finalement adapté à la situation de son personnage à la double identité et qui doit le moins possible attirer l’attention. Finalement, cela sert Jude Law, beaucoup plus charismatique en presque parfait amer et dépressif. Il a d’assez loin ma préférence, composant un Jérome Morrow aussi profond que son regard, aussi trouble que ses yeux sont clairs. Il se révèle en somme moins monolithique que Vincent, qui trace sa voie avec détermination, alors que lui tangue avec ses états d’âmes et cherche en vain une motivation pour vivre, lui à qui tout a été offert à la naissance… Quant à Uma Thurman, je l’ai personnellement vue rarement aussi convaincante et resplendissante que dans ce film. J’avoue que ce n’est physiquement pas mon actrice préférée, mais elle est rayonnante ici. Il émane d’elle une aura qu’aurait envié une Vénus Boticellienne ou une grande déesse échappée d’une oeuvre maniériste…Irène Cassini qu’elle incarne, oscille entre ambiguïté troublante, froideur distante, fragilité touchante…C’est un personnage réussi…

    Je suppose que vous l’avez deviné, j’ai adoré Gattaca. Ceux qui me connaissent un peu maintenant sauront pourquoi : esthétisme soigné, histoire solide, mélancolie omniprésente, lenteur délassante…C’est une œuvre d’anticipation toute en subtilité, délivrant non pas des messages mais des allusions fines quant aux dérapages possibles de notre société avide de perfection, de compétition, de productivité et de modèles préétablis… Bon bien sûr en fouillant un peu, je pourrais bien sortir de la détermination obtuse de Vincent un discours volontariste qui ne me plait pas toujours, car associé dans mon esprit à certaines théories libérales que j’exècre, mais bon, ce n’est pas le propos du film. Celui-ci défend l’idée d’un espoir toujours possible et enrichi par les différences et les imperfections plutôt que limité par elles… Niccol dénonce l’autoritarisme larvé de nos sociétés pourtant définies comme libres en projetant leurs dérives dans un futur proche. En ceci son discours peut se superposer, avec le même brio dans son traitement cinématographique, à celui d’un Brazil ou d’un Soleil Vert. Il y est aussi question d’un univers technologique déshumanisant, normatif et tout puissant… Je me permets de vous conseiller chaudement les réalisations de Terri Gilliam, du Baron de Munchausen, superbe de poésie burlesque, en passant par Brazil donc et aussi l’Armée des douze singes…Quel dommage qu'il n'ait pu mener à terme son dernier projet : Don Quichotte, avec qui plus est Jean Rochefort dans le rôle titre, imaginez un peu ! Enfin bon...

    Bon ben voilà, j’ai du dire le principal…Je vois qu’il y a encore quelques résistants à l’endormissement alors je conclurai en disant que Bienvenue à Gattaca est un film vraiment réussi, tant sur la forme que sur le fond. Il est cependant à réserver à ceux qui savent prendre le temps de regarder et d’écouter, car le rythme est assez lent comme je l’ai dit. Mais c’est aussi le prix de l’originalité et d’une certaine beauté, caractéristiques qui s’appliquent jusqu’à la fin du film , très émouvante (mais je vous dirai pas pourquoi, niark ! ) 

     

    1-La vrille à plat est un phénomène éminemment craint des aviateurs car contrairement à la vrille habituelle, elle concerne l’axe de lacet (dérapage ou virage à plat ) et est pratiquement irrécupérable…Ou comment s’instruire grâce à Nicks ! ;o)

     

    Puisque cette critique cinématographique était dédiée à une personne en particulier, j'adresse une pensée à cette Bouclinette que je n'oublie pas, au cas où son ombre passerait sur ce blog...

     

  • O brothers

    Hier, j'ai laissé les cloches sonner toutes seules et je suis allé au cinéma. Je passe rapidement sur la cohue au Gaumont Parnasse rappelant les rassemblements fiévreux au moment des soldes, mais sans la haine de l'autre, pour vous parler du film qui avait fait l'objet de mon choix comme toujours judicieux et pertinent : A bord du Darjeeling limited, de Wes Anderson.

     

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    Déjà, les bandes-annonce des deux premiers long-métrage du réalisateur avaient attiré mon attention, tant La famille Tenenbaum et Le monde aquatique semblaient receler la loufoquerie, l'humour décalé et cette légèreté un peu mélancolique que j'aime à retrouver dans ce genre de films, dits indépendants. Malheureusement, je ne les ai toujours pas vus ce dont, après avoir cédé à la troisième tentative d'Anderson pour m'interesser, je ne me félicite encore moins qu'avant.

    A bord du Darjeeling limited, c'est l'histoire de trois frères qui ne sont pas plus parlé depuis la mort de leur père, un an auparavant. A l'initiative de l'un d'eux, Francis (Owen Wilson), ils vont se retrouver en Inde à bord d'un train, le Darjeeling limited, afin d'entamer un périple spirituel qui permettra selon Francis, de ressérer les liens distendus. Sauf que bien entendu, tout ne va pas se passer excatement comme prévu...

     

     

    Ce "rail movie" tient évidemment beaucoup à la personnalité et l'association des trois frères, campés idéalement par Adrien Brody (Peter), Owen Wilson donc et Jason Schwartzman (Jack). Dire que ces personnes sont originales est la moindre des remarques. Entre Peter, l'illuminé méthodique, enrubanné comme un oeuf de Pâques suite à un accident de moto récent (à l'origine de son désir de renouer les liens avec la fratrie), Jack, le séducteur apathique qui passe son temps à fuir la vie à la vitesse d'un paresseux (l'animal) et Peter, l'ahuri lunatique qui a du mal à se remettre de la mort de son père, Wes Anderson a non seulement créé trois personnage assez innénarables dans leur genre mais aussi réussi un casting quasi-parfait. On en vient ainsi à oublier complètement comment ce trio aux physiques et aux caractères si différents peuvent être liés par les gènes.

     

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    Le deuxième apport décisif à ce film, c'est de l'Inde qu'il vient, de son exhubérance, de son exotisme, de son univers chatoyant. Le réalisateur s'en est emparée en la domptant un tantinet, notamment au moyen d'une photo baignée d'une lumière chaude et intense qui polit les couleurs épicées, les adoucit. Le montage du film quelque peu élastique fait se succéder les moments cocasses, voire carrément drôles, avec des épisodes plus tendres, mélancoliques ou poétiques, parfois ponctués de ralentis somptueux. C'est par exemple le cas lors d'une cérémonie funèbre traditionelle, un moment grave du film, mais complètement magnifié par l'image et la musique. A ce titre, la bande-son ne dépare pas, toujours adaptée au ton du film, à la fois légère et décalée, douce et rythmée. Le générique de fin est une surprise incongrue et "spéciale dédicace" à notre pays, mais je n'en dis pas plus.

     

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    A propos de surprise, A bord de Darjeeling limited est précédé d'un court-métrage du même réalisateur, avec Jason Schwartzman et surtout, Natalie Portman, une des mes actrices préférées dont on voit généreusement la plastique agréable dans cette courte histoire cependant complètement liée au film qui suit. Excellente idée en tout cas ! A noter aussi une apparition dans le long-métrage cette fois, de Bill Murray que j'apprécie énormément et qui a joué dans les deux réalisations précédentes d'Anderson. (si vous ne les avez pas déjà vu, je vous conseille fortement Un jour sans fin et Lost in translation pour vous faire une idée de la qualité de cet acteur)

    Pour conclure, je dirais que je suis sorti très satisfait de la projection. J'ai aimé le côté complètement loufoque de ces trois frères en quête les uns des autres, un peu perdus dans cet univers à la fois brut et délicat, mais toujours chamarré (la déco du train à laquelle sont assortis les uniformes des stewarts et hôtesses vaut à elle seule le détour), de cette envie aussi, de la part de fils de très bonne famille de retrouver peut-être des valeurs essentielles. Le film est beau, décalé, tendre et parfois vraiment hilarant. Un bon exemple des ces films d'auteurs que le cinéma américain autorise encore, dans la veine, des Garden State, Lost in Translation ou Little Miss Sunshine pour ne citer qu'eux.

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