La bienpensance mediatico-politique s'agite en ce moment, quand elle n'est pas surprise par telle révolution tunisienne et la fuite d'un certain quasi-dictateur pourtant considéré la minute précédente comme un grand démocrate, autour de la montée des populismes.
Le populisme c'est l'ennemi de la politique raisonnable et consensuelle, celle qui, menée depuis trente ans et dont l'exemple le plus abouti s'observe dans les institutions européennes, a conduit le monde dans l'impasse qu'il connaît aujourd'hui. Donc forcément, le populisme c'est pour les démocrates autoproclamés, n'importe quelle tentative pour remettre en cause le néolibéralisme et l'économicisme apolitique (en apparence seulement). Secondairement, prendre l'acception à son origine, c'est à dire comme un courant politique tourné vers les préoccupations du peuple, n'est jamais évoquée aujurd'hui que comme amalgamée avec la démagogie. Le suffrage censitaire, c'était tout de même mieux n'est ce pas ?
Comme aux plus belles heures de la campagne pour le referendum sur le TCE en 2005, voilà que media et partis politiques dits de gouvernement ne tarissent pas d'excommunications en direction des apprentis dictateurs qui font entendre une voix forte et dissidente.
Au coeur des critiques, le FN bien entendu mais aussi et surtout, le Parti de Gauche et plus spécialement son co-président, Jean-Luc Mélenchon, cible privilégiée des gardiens de la morale politique. La défense contre la montée supposée de ces deux partis dans l'électorat est bien connue : l'amalgame rouge-brun dont on a pu constater la redoutable efficacité lors du referendum sus-cité, perdu à plate couture. Mais qu'importe, outre la mauvaise foi éhontée qui consiste à confondre deux mouvances politiques qui n'ont absolument rien à voir dans le fond, on continue dans les milieux, souvent très favorables à l'Union telle qu'elle est aujourd'hui, à utiliser des méthodes d'une bêtise crasse et surtout d'une inefficacité totale.
Au delà du caractère profondément insultant pour quelqu'un qui porte des convictions de gauche, républicaines, laïques et jacobines en tungstène, à se voir accolé à une formation politique qui en est l'antithèse, une réflexion sur le pourquoi de tels subterfuges s'impose.
Il y a d'une part toujours cette même incompréhension de la colère populaire vis à vis de la gestion de la crise et de plus en plus consciemment, des dogmes qui, appliqués depuis trente ans, ont accouché de cette cassure mortelle du système. Mais foin d'analyse objective, il faut non pas comprendre le ressentiment, mais parer les dangers pour les dirigeants en place qu'il représente.
Il est vrai qu'en temps de crise, les solutions simplistes et autoritaires peuvent rapidement séduire et dégénérer gravement. L'Histoire nous l'a montré, particulièrement en Europe. Mais suffit-il de seulement stigmatiser les offres électorales qui n'ont pas obtenu le label "démocratie de marché", dire que c'est un vivier de méchants pas beaux, pour les neutraliser ? Dénoncer l'inconscient totalitaire de la gauche dite radicale, qui se manifesterait par un soutien aux dernières républiques populaires, sert-t'il de sinécure contre toute atteinte à la pensée unique ?
Cuba : résidence secondaire de Satan selon les bons démocrates
En effet, on assiste en ce moment à une tentative de décrédiblisation et de salissement de Jean-Luc Mélenchon, qui un peu provocateur, un peu excédé par le deux poids deux mesures qui règne en matière de condamnation de régimes autoritaires (voir la Tunisie, qui parce qu'elle avait accepté pleinement l'économie de marché, était bien entendu beaucoup moins dénoncée que Cuba par nos braves prêtres de l'orthodoxie économique et accessoirement, de la liberté), boycotte les résolutions de l'UE uniquement dirigée vers Cuba ou dernièrement la Biélorussie. De là à en faire un soutien des pouvoirs en place, il y a loin mais pas pour les "raisonnables" On peut voir une bonne traduction de cette expression quasi inquisitoriale ou mac-carthyiste chez le journaliste spécialiste des affaires europénne, Jean Quatremer, sur son blog : les coulisses de Bruxelles.
Donc, accuser le parti de gauche, d'avoir des visées liberticides et l'adosser au FN, doit suffire à écarter les brebis égarés qui seraient tentées d'y diriger leur vote. Cela revient à dire que la méfiance populaire vis à vis de ce qu'on appelle les élites n'existe que parce que certains prennent un porte voix et dicte aux citoyens la voix du diable. C'est pratique, cela évite de réfléchir et de remettre en cause la politique menée depuis le milieu des années 80. En gros, il suffit d'actionner l'interrupteur : eux méchants, position off, eux plus dangereux, eux plus exister. Inutile de dire que c'est illusoire, que c'est vraiment prendre les électeurs pour des êtres quasiment dépourvus de tout jugement et surtout de réflexions préexistantes, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, intelligentes ou totalement mesquines.
Tunisie : ancienne destination balnéaire des bons démocrates très surpris d'apprendre que c'était une quasi-dictature
D'autre part, la méfiance vis à vis d'une gauche qui retrouverait le chemin du combat politique et du clivage, une gauche qui ne renierait plus son substrat marxiste et ses traditions jacobines, cette méfiance devient prégnante et bien visible. Le Ps bien entendu, toujours en fonctionnement végétatif d'un point de vue idéologique et tout occupé à trouver sa star pour 2012, s'inquiète de la possible progression d'une formation qui n'a pas renoncé à l'action politique et qui souhaite lui redonner des marges de manoeuvres, vis à vis du secteur financier par exemple. Les verts aussi voient monter cette concurrence d'un oeil suspicieux alors qu'une entente avec les composantes les moins libérales, encore majoritaires, de ce parti et le PG pourrait donner des résultats appréciables, voir permettre une accession au deuxième tour de l'élection présidentielle. L'Ump quant à elle souhaite continuer à marginaliser le FN pour au mieux garder les voix qui en proviennent et qu'elle a su capter en reprenant une bonne partie du programme frontiste en 2007, au pire, en favorisant l'amalgame entre extrêmes, espérer assez logiquement que c'est la droite nationaliste et xenonophobe qui en profitera, lui fournissant un socle de reports au deuxième tour.
Ben Ali : grand démocrate selon le président actuel français et les bons démocrates.
L'objectif est au final de préserver le système tel qu'il est, une fuite en avant qui pourtant laisse augurer de grands dangers politiques, faute de réponses lucides et adaptées. Une visite sur le blog de Jean-Luc Mélenchon mais aussi sur ceux que je recommande régulièrement, à savoir ceux de Paul Jorion et de Frédéric Lordon (qui ne se réclament pas du Parti de Gauche mais déroulent des arguments dont certains sont proches des positions mélanchoniennes), devrait suffire à montrer que rien ne peut les identifier, sur le fond, à l'extême droite. D'ailleurs son restylage ne fait pas oublier que ses ressorts sont strictement opposés à ceux de la gauche assumée. En effet, quand les uns vont jeter l'opprobre sur les plus fragiles (immigrés, fonctionnaires, chômeurs et autres "parasites" sociaux), les autres promeuvent un retour à l'intérêt général, à la chose commune, au rôle de l'Etat protecteur, qui garantissent la liberté des plus faibles en limitant les pouvoirs abusifs de la minorité dominante.
Jean-Luc Mélenchon : nazioïde de gauche, selon Plantu et les bons démocrates
On est loin de cette recherche de nuance dans les condamnations empesées de certaines figures médiatiques et politiques, qui si elles se réunissaient, feraient de leur hypocrisie, de leur incompétence et défaillances intellectuelles, de leurs maladresses insignes, un véritable parti de gaucheS.