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  • Croire au pire Noël

    2009 touche à sa fin et notre société n'est, elle, pas loin de toucher le fond. Aussi vais-je me livrer avant la trève des confiseurs à une brève revue du pitoyable.

    Un mot d'abord qui sera la seule note positive, sur les belles conditions météo que nous avons eu ces derniers jours et qui ont permis un court moment de laver le gris d'un monde en crise terminale. Un peu de neige et l'esprit des contes de Noël ressurgit pour le bonheur des enfants éternels. C'est bien peu, malgré le plaisir toujours aussi vif à marcher dans la neige et d'apprécier le silence immaculé.

     

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    L'hôtel de Cluny, aux abords de la Sorbonne

     

    Mais les contes de Noël rappellent aussi l'époque victorienne de Dickens et d'Hugo, romantique et belle, cruelle et noire comme la suie. En déambulant le soir dans les vieux quartiers de Paris, sublimés encore par le glacis nival, comment ne pas voir des similitudes entre notre époque et une autre qu'on eut cru un moment révolue à jamais. Le pavé est dur pour les miséreux...

    Voilà que l'hiver hausse le menton donc, pour que le traffic Eurostar s'interrompe lamentablement. Je ne manquerai donc pas de souligner pour ceux qui l'ignoreraient qu'Eurostar est une société privée et que tous les manquements qui ont été mis en lumière ces derniers jours sont typiques d'une gestion orientée vers la rentabilité à tout crin. Voilà pourquoi des problèmes connus, comme l'infiltration des flocons dans le système électrique des rames et les court-circuit qu'elle provoque, ne sont pas traités, au motif des probabilités faibles des épisodes neigeux en Europe de l'Ouest. C'est toujours de l'argent économisé n'est-ce pas ? Je ne parle même pas du traitement des passagers qui n'ont certes pas vécus l'enfer sous terre mais tout de même. Moi qui croyait que dans le privé, le client était roi...Toujours pressé de voir la SNCF complètement privatisée ? Hâte de constater que les problèmes d'entretien de lignes s'accentuent, alors même qu'ils sont déjà notoires aujourd'hui du fait de la séparation entre RFF et la SNCF et la sous dotation chronique depuis, du premier ?

    La privatisation rampante des services publics et notamment de notre bonne vieille société des chemins de fer ont des effets sur notre propre liberté de choix, de plus en plus illusoire dans une démocratie de pure forme. J'avais déjà dénoncé ici l'instauration du yield management à la SNCF. Je viens d'en faire les frais. Contraint pour avoir des tarifs accessibles de réserver l'ongtemps à l'avance, j'ai anticipé un déplacement pour rejoindre ma famille lors des fêtes de fin d'année. Mais il se trouve que par l'impossibilité d'un autre membre de cette famille de descendre également en Limousin, c'est la translation inverse qui va s'opérer. Je vais donc rester dans ma région d'adoption pour Noël et me voilà avec un billet non échangeable ni remboursable sur les bras, obligé d'essayer de le revendre sur E-Bay (avec succès certes) pour ne pas perdre d'argent dans l'affaire. J'ai autre chose à faire, encore une fois que de passer un temps fou à essayer d'obtenir un billet pas trop cher, des mois à l'avance, en anticipant sur des déplacements qui n'ont rien de garantis, et qui plus est d'essayer de le revendre quand je ne peux l'utiliser. Ce système est clairement détestable et je ne suis pas le seul à le penser...

    Mais que vaut l'avis d'un plébéien par les temps qui courent ? Un banquier là je ne dis pas, lui on l'écoute. Plus, on lui obéit. Voilà pourquoi les institutions financières et le système qui va avec ont été sauvés (en apparence seulement) à la vitesse de l'éclair et que notre bonne vieille Terre elle continuera à s'asphyxier avec la fumée toxique des gros cigares indécents de l'élite financière et de ses affidés politiques.

    Copenhague a été un pur fiasco et ce n'est certes pas une surprise. Trois leçons imbriquées peuvent en être tirées. La première c'est que les politiques n'ont clairement plus la main, constat déjà quelque peu éventé. Les lobbies économiques dictent leurs desiderata et les élus obtempèrent le petit doigt sur la couture des pantalons. La deuxième c'est qu'un nouveau bipolarisme s'afirme chaque jour davantage : celui du G2, Chine et Etats-Unis. Ce n'est pas un hasard si je nomme la Chine en premier. Le règne de l'empire américain se termine. Il essaie juste de s'accrocher aux branches asiatiques et n'a plus un regard pour son chien fidèle européen. D'où le troisième enseignement qui est que l'Union européenne n'existe pas politiquement, que Lisbonne comme attendu n'y change rien de rien et bien plus encore c'est le modèle choisi quasiment dès l'origine, d'une intégration avant tout économique, sur un shema anglo-saxon qui est à l'origine de cette transparence internationale. Plus que jamais le non de 2005 paraît justifié de même que ce que portait son expression de gauche, à savoir la rupture avec l'idéologie du tout marché et de la concurrence comme maître étalon d'une société entière, de l'alignement aveuglé avec les Etats-Unis, qui nous maintient dans leur dépendance quasi complète et l'accentue même, enfin, la nécessité urgente d'une véritable constitution démocratique. Cela passe par la réaffirmation assumée de la pertinence d'un modèle de société continental et du nôtre en particulier, lui qui tant bien que mal et malgré la casse qu'il subit tous les jours depuis sept ans, nous fait affronter la première vague de la crise sans trop de dégats, comparativement à certains pays.

    Enfin, comment ne pas parler alors que je cite en référence une façon d'envisager la société typiquement française, fondée sur une recherche de l'égalité, ce débat pestilentiel sur l'identité nationale ? Il ne renvoie qu'aux pires moments de notre histoire et conduit à l'inverse d'une démarche politique intelligente, qui s'attacherait d'abord à interroger le sentiment d'appartenance à une collectivité, ce que précisément, le modèle français, issu de la Révolution, du front populaire et du CNR (donc également produit du Gaullisme) avait su faire d'une façon relativement efficace. La question n'est donc bien entendu pas de savoir quelle identité devrait s'appliquer à tout citoyen mais bien de savoir comment le vivre ensemble peut être promu et perennisé. En vrac, certaines notions complètement absentes du débat aujourd'hui, gagneraient à être rappelées et de nouveau explicitées : la laïcité avant tout, pour ne pas tomber dans le piège grossier et dangereux de l'anti-islam primaire, l'égalité, de droit et de devoir, garanti par la présence d'un Etat fort, centralisé et de ses services publics, un projet politique commun qui ne soit pas entièrement l'émanation d'une idéologie économique en faillite qui précisément détricote le lien social, mais un véritable pari sur l'avenir, sur une évolution sociétale où chacun se sentirait impliqué et bénéficiaire de plein droit, quelque soit son origine. Je crois qu'il n'y aurait alors pas grand mal à se sentir français et à lutter contre des égoïsmes, des recroquevillements qui nous mènent droit à la catastrophe.

    Bien entendu, relater ces épisodes pathétiques de notre quotidien incite à croire au pire Noël. Mais la neige est tombée...

     

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    Neige et toits : émoi...

     

    Je vous souhaite tout de même de passer de bonnes fêtes de fin d'année. A bientôt en 2010 !

     

    V

  • Don violent

    Nous sommes au lendemain de la grand-messe du charity business à la française et pour la première fois depuis ses débuts il me semble bien, le total des dons est en baisse, entrainant la consternation indécente, dans le contexte actuel, des petits soldats de la communication AMFienne. C'est que la crise (rappelée du bout du bout des lèvres par quelques participants) et la polémique Bergé sont passées par là.

    Etre surpris que les français aient plus de peine à se mobiliser financièrement quand le chômage touche officiellement 10% de la population et que la précarité s'étend quasiment à toutes les formes d'emploi relève bien entendu de plus totale hypocrisie. Mais la comm' interdit de souligner le contexte, ce serait un signe négatif, une incitation à dédouaner le citoyen de son oeuvre de solidarité annuelle. Peu importe qu'il n'ait plus qu'une chaussette à donner, il faut qu'il fasse son devoir. Il n'est donc pas étonnant de voir un sinistre connard comme Nagui exprimer son désapointement et répondre à la nuance que lui oppose une co-animatrice, lui rappelant justement le contexte économique, que ceux qui n'auront pas donné seront seuls avec leur conscience. Le degré quasi-ultime de la culpabilisation luthérienne : on croirait assister à un prêche baptiste tout droit venu d'une communauté fondamentaliste nord-américaine...Mais rien d'étonnant à cela puisque d'une part le Téléthon est une manifestation venue d'outre-atlantique, pays bien connu pour son idée de la solidarité (chacun pour sa peau et personne pour les impôts) et d'autre part, j'avais déjà l'année dernière eu l'occasion de stigmatiser les méthodes désormais résolument marketing utilisées par l'AFM pour lever ses fonds. Par ailleurs, je vous renvoie sur cette question, à un excellent billet sur la question paru sur le blog des NRV :

    http://levillagedesnrv.20minutes-blogs.fr/archive/2009/12/03/tel-les-thons-c-est-reparti.html#comments

     

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    La deuxième anicroche déstabilisante pour le cantique de la générosité artificielle, c'est bien évidemment Pierre Bergé qui en est à l'origine, lui qui a, sans doute pour de mauvaises raisons, énoncé une vérité imparable, à savoir que le Théléthon est un ogre médiatique qui phagocyte non seulement la générosité des français, mais bien plus que cela, participe à l'annihilation de tout autre effort de solidarité et notamment le plus crucial, le plus fondateur de nos sociétés, à savoir l'impôt. Le favori de feu Saint-Laurent est certes juge et partie puisqu'il a lui même sa petite société privée d'aide aux malades, le Sidaction, qui se fait allègrement marcher dessus par le géant du fonds d'investissement caritatif. Mais précisément, sa dénonciation a le mérite d'identifier la nature et le cadre de fonctionnement de ces associations, rappelons le, privées : la concurrence féroce et le capitalisme le plus violent qui soit, celui qui s'effondre depuis déjà deux ans sous les yeux torves de masses plus ou moins décérébrées. Nous assistons en effet à une guerre des victimes, par l'entremise de leurs vitrines médiatiques et de leur champion mutuel, assigné à la récolte d'argent. Il n'y a pas de quartier dans cet affrontement et comme d'habitude ce sont toujours les mêmes qui payent : les plus faibles, ceux qui ont le moins de moyens. Pendant ce temps, les dominants eux, se délectent de voir que leurs propres méthodes de vautour sont érigées en principes solidaristes par ceux qui ont font les frais quotidiennement, au travers de l'abandon de la véritable solidarité institutionnelle, précisément celle qui ne peut exister sans l'impôt, sans la volonté collective.

    Résultat: pendant que la cause des thérapies géniques, qui en vaut bien une autre, mais pas davantage, canalise les dons et agit comme un réceptacle à bonne conscience et une machine à pénitence, les pouvoirs publics se défaussent de leurs prérogatives et détruisent consciemment le système de santé public (probablement le meilleur du monde il n'y encore pas si longtemps) et en général toutes les formes de sécurité sociale, au travers de la casse du service public. Le pire est que cela se fait avec l'assentiment des catégories moyennes et populaires, à coups de matraquage idéologique surfant sur l'individualisme de plus en plus marqué des gens. Car il ne faut pas s'y tromper, le Téléthon est le triomphe du chacun pour soi, en aucun cas de la solidarité. Pour un petit myopathe sauvé, peut-être qu'un pauvre bougre sans argent mourra bêtement de la grippe parce qu'il n'y aura plus d'hôpital pour l'accueillir. La jungle et la loi du plus fort comme aboutissements de l'effort collectif ?

    Le néolibéralisme aura donc réussi à transformer un acte parmi les plus pacifiques en vecteur de la lutte de tous contre chacun. Il aura institué le don violent...

     

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    P.S : Au fait, n'ayant que très peu regardé l'émission, je pose une question : a t'on entendu parler des banques ? Ont-elles, toutes contrites et confuses, délégué des émissaires pour apporter de gros chèques de plusieurs milliards pour aider la cause (et la leur du coup) ? Je rappelle que pour 90 millions de dons, la majorité provenant de foyers aux revenus moyens, voire bas, les sommes mobilisées par l'Etat français pour sauver le système financier se montent à au moins 360 milliards d'euros. No comment...