Récemment un samedi, je m'en fus par les rues de notre belle capitale, profiter du bleu du ciel, de la tiédeur affirmée d'un soleil printanier et du charme de jolies touristes anglophones qui semblaient penser que j'avais un fort potentiel de manieur de langue. Je ne sais si j'ai été à la hauteur de leurs attentes...
J'avais donc décidé de m'offrir une balade parisienne, ponctuée d'un ciné. J'établis donc quelques waypoints avec comme destination finale une salle obscure. Puisque j'avais envie de retourner voir la tour Eiffel que je n'avais point approchée depuis quelques années, si j'excepte une courte entrevue nocturne l'été dernier, je décidai de commencer dans le septième à proximité des Invalides (aucun rapport avec moi), sur le territoire hostile de l'essayeuse haute-couture du gouvernement, accessoirement Garde des sceaux.
Ma foi, l'arrondissement est rendu vivable par sa verdure, ses rues bordées de marronniers généreusement fleuris de rose soutenu (je ne connais pas le code rouge à lèvre Dior correspondant) et de superbes paulownias tout de guimauve vêtus. Bien sûr, c'est un peu calme à l'écart des grands monuments et on sent bien que le terrain n'est pas propice au prolétariat comme l'illustre cette rencontre près d'un distributeur de billet. Une famille sort de la banque, la mère dit à la fille âgée de onze ou douze ans en parlant de son frère de cinq ou six ans son cadet : ton frère a droit à 20 euros d'argent de poche par semaine, toi 100. C'est beaucoup 100, qu'elle dit. J'imagine le désespoir de la pauvrette rationnée financièrement par des parents mesquinement radins. La bourgeoisie a aussi ses problèmes d'argent...
Chez Miss Justice by Dior
Après avoir admiré la rutilance dorée du dôme des Invalides, déambulé dans le jardin attenant, le regard oblique sur les arrière-trains d'une arrière garde de polonaises en goguette, il était temps de prendre la direction du Champ de Mars, premier champ avant les elyséens. Mais de champ libre il ne fut question car le parc était bien entendu rempli de touristes toujours plus nombreux à mesure qu'on s'approche de la plus belle érection française, ses 375 mètres toujours fièrement dressés au dessus des brumes métropolitaines. Il suffit d'un virage et la Tour Eiffel apparaît plein champ. Cliché, poncif, ringardise, plouquisme, beaufitude ou symbolisme national, réflexe jacobin, nostalgie d'une grandeur déchue, simple plaisir esthétique, impression du miracle technique toujours renouvelée ? Je ne sais, mais je dois avouer que le charme agit toujours et que la Demoiselle de fer arbore ses dentelles de tôles avec la même coquetterie, la même prestance et la même majesté que dans sa prime jeunesse, quand la rouille lui apparaissait bien plus lontaine que la Lune qu'elle chatouille encore de sa pointe.
Mademoiselle Fer
Son succès ne se dément pas non plus auprès des touristes étrangers qui se pressent sous ses arcades en prenant leur place dans la file d'attente démesurée. Plutôt eux que moi ! Toutes les nationalités sont représentées, depuis les nouveaux riches des pays de l'Est jusqu'aux vendeurs à la sauvette qui viennent d'encore plus à l'Est. Tchiling tchiling font leurs trousseaux de mini tours Eiffel portes-clés...
Direction le Trocadero pour admirer un des plus beaux panoramas de Paris et apercevoir des skaters, des break-dancers et pas mal de branleurs dans le lot ! :oB S'y délassent aussi quelques couples d'amoureux, sur les bancs, dans le gazon ou carrément dans les bassins, entourés de gens et seuls au monde. Si on laisse le regard divaguer vers l'horizon, on peut observer la conjonction Panthéon-Invalides, étoiles lointaines de la galaxie parisienne, vu d'ici.
Ma marche à travers champs, délaissa derrière moi celui de Mars et son uniforme de printemps pour se diriger vers ceux qui dit-on incarnent la plus belle avenue du monde. En remontant l'un des rayons de l'Etoile, je longeai les quartiers cossus et bien habités comme aiment à dire certains agents immobiliers. Tout au bout, c'est le triomphe. Oh oui, il y a celui de l'Arc bien sûr, large d'épaules et de cuisses, un peu trapu, à l'image du petit agité dont il raconte les exploits. Mais depuis, un autre excité pas très grand a confisqué l'immodestie et les Champs-Elysées célèbrent quasiment 24 heures sur 24, cette victoire de l'apparence, du superficiel, de l'argent roi, en un mot, du bling-bling. J'y croisai donc moults Tony Montana avec la tenue adaptée à l'époque : pantalons slim ou au contraire doggy ou survêt extra-larges, t-shirt de marque ou petite chemise près du corps et surtout une cargaison d'accessoires qui rendraient folle une pie voleuse : gourmettes, bagues, chaînes, lunettes, casquettes, pochettes, le tout griffé bien évidemment. Le volet femelle de cette population est bien entendu encore plus représenté avec notamment les petites pétasses à peine pubères, panoplie complète de la bimbo fin des années 50, bras dessus-bras desous avec leur Vuitton. Je ne crois pas qu'il faudra beaucoup compter avec ceux-ci pour les prochaines mobilisations sociales. Si la mémoire d'un poisson rouge ne dépasse pas quelques secondes, les perspectives des fashion girls and boys n'excèdent bien souvent pas l'heure suivante, rarement la prochaine soirée et l'after qui précède le before. C'est finalement la logique de la génération upside-down, qui ne veut tellement pas se prendre la tête, qu'elle la laisse systématiquement au placard. Commentaire aigri de vieux con trentenaire, je sais. Mais j'assume mon archéo-conservatisme...
Mais que faisais-je donc sur les Champs parmi ces gens à la fois uniformes et bigarrés, moi qui en suis plus éloigné que le Pape l'est de Marilyn Manson ? C'est simple, je voulais revoir la Tour et me faire un ciné dans la foulée de ma promenade, j'ai donc respecté une certaine cohérence géographique en allant dans un complexe à proximité. Il fallait en outre qu'il acceptât les places gratuites sous forme de cartes qu'un quasi monopole familial soutire de l'émission journalière de Ruquier. Destination, l'UGC Normandie donc, tout près du Lido, grand recéleur de naïades plastiquement avantagées, dont je ne vis cependant pas la moindre plume égarée.
C'est donc le moment de vous dire ce que la pellicule m'offrit ce jour là sur l'écran blanc d'une salle pas vraiment noire de monde (normal, fin d'aprem et journée ensoleillée mais c'est aussi pour cela que j'avais choisi l'horaire). C'est Iron Man que j'allai voir, film précédé d'un sillage critique sans trop d'écume acide. A raison, je dois le dire car si l'on est bien sûr très loin d'un grand film, le long-métrage de Jon Favreau se déguste comme une friandise dont il est plus opportun de s'en tenir au goût plutôt qu'à la recette. Sur un scenario bien mince, truffé d'invraisemblances presque volontaires se déroule ce film d'action aux effets spéciaux très efficaces, porté par le jeu cabotin d'un Robert Downey Junior revenu d'entre les junkies et qui s'éclate à jouer un marchand d'armes surdoué (Tony Stark), insolent de réussite et de charme viril, qui vire humaniste après une prise de conscience bien américaine. En effet, après avoir été retenu en otage par des ismamistes afghans et s'être échappé de sa geole troglodytique grâce à ses menus talents de bricoleur, il s'aperçoit que les armes c'est dangereux et que horreur, les siennes peuvent servir à tuer de bons soldats états-uniens. C'est donc ultra simpliste, bien manichéen mais il faut rappeler que c'est l'adaptation d'un comic du même nom. Ensuite, comme je l'ai dit, c'est du pur divertissement plutôt bien mené et jubilatoire. Notons la présence de Gwyneth Paltrow en femme à tout faire à son patron (Tony Stark), aux manières anglaises, ultra professionnelle, élégante et pincée, mais qui n'en est pas moins femme et donc complètement dingue de son chef de robot humain qui rend la justice à coup de torgnoles en acier (alliage d'or-titane pour être précis). Il faut signaler aussi la présence de Jeff Bridges (Obadiah Stane), un de mes acteurs favoris depuis son rôle dans The big Lebowski et qui est physiquement transformé dans ce film. Il joue l'associé qui tient énormément aux intérêts de l'entreprise et qui accepte avec un minimum de flegme la nouvelle vocation du Pdg. Au final, un moment de détente vite oublié mais qui n'en est pas moins une des meilleures adaptation d'une Bd marvel au cinéma, grâce à la personnalité très cool-smart charismatique de Robert Downey, à son humour très présent et à ses effets spéciaux impressionnants.
Fin de séance et fin de journée. Il fallait penser au retour dans la lointaine banlieue alors que Paris préparait sa soirée. Ma retraite me conduisit jusqu'aux Tuileries, puis au Louvre, tous deux innondés de la lumière paille d'un soleil rasant. Il poursuivait son plongeon au ralenti quand j'empruntai le Pont des Arts dont les planches servaient de champ (encore un) de pique-nique à des parisiens qui savouraient la douceur d'une des premières soirées de beau temps du printemps. Beaucoup d'étudiants et d'étudiantes, mais aussi des gens plus agés. Tous avaient en commun la gaité de l'instant, les sourires affichés, une bonne bouteille et la guitare aux côtés. Comme j'avais envie de m'asseoir là moi aussi, de prendre un verre de rosé et de voir si par hasard mes vingt ans depuis déjà si longtemps fugueurs ne passeraient pas dans le coin, histoire de savourer les quelques éclats de bohème que je n'ai pas su leur offrir. Ca a l'air si agréable un pique-nique au Pont des Arts. Quels chanceux, ces parisiens !...J'y reviendrai...