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philippe bourdin

  • Liberté, Egalité, Fraternité

    51pVR-gkRXL.jpgAu moment où la défiance des citoyens envers leur représentation politique n'a jamais été aussi prégnante, face à l'opportunisme, à l'irresponsabilité et l'affairisme qui la gangrènent, il n'est pas inutile de revenir sur un personnage historique majeur, dont la caractéristique était au contraire la droiture et la fidélité aux convictions.

    Robespierre, puisque c'est de lui qu'il s'agit, est une figure incontournable de notre histoire et de la Révolution. L'historiographie de ses vainqueurs en a déformé la postérité jusqu'à en faire un tyran sanguinaire, précurseur des idéologies totalitaires, cela pour mieux masquer les préoccupations égalitaires et humanistes de cet avocat artésien, d'une intelligence et d'une lucidité hors du commun.

    C'est à ce titre que je souhaite évoquer, en conseillant la lecture d'un livre qui lui est consacré, l'héritage de ce montagnard jacobin,  trainé dans la boue par ceux qui en avaient eu si peur et leurs descendants, qui craignent plus que tout qu'un jour on parvienne à édifier une société de partage. Il n'y a qu'à voir leur réaction lorsque quelqu'un qui se réclame de son influence, Jean-Luc Mélenchon pour ne pas le nommer, est combattu et diabolisé, alors même que la représentante d'un parti d'extrême-droite, dont les fondamentaux haineux sont toujours bien présents, est, elle, ménagée et promue comme l'unique porte drapeau de l'anti-système. C'est cette attitude des medias dominants, de l'orthodoxie politique et économique, aujourd'hui inextricablement liées, qui mesure les craintes réelles attachées à tel ou tel. Force est de constater que l'establishment a choisi d'attaquer celui qui lui paraît le plus dangereux pour ses intérêts. Il n'est pas au Fn mais bien au Parti de Gauche.

    Toute proportions gardées, c'est à ce traitement radical qu'a longtemps été soumis Maximilien Robespierre. Le prix à payer pour son incorruptibilité et sans doute également, la conséquence de quelques erreurs de sa part. C'est sur ce bilan, bien plus flatteur qu'un triste historien transfuge de la gauche comme Furet, n'a pu le dresser, que l'ouvrage Robespierre : portraits croisés, se penche. Son objet est de faire un état objectif de la pensée et de l'action robespierristes, à travers le passage en revue de plusieurs thèmes, de sa relation avec la philosophie de Rousseau jusqu'à l'éducation, en passant par les droits des citoyens, la guerre ou les politiques sociales.

    Cet ouvrage se découpe donc en articles thématiques, rédigés par des historiens universitaires, sous la direction de Michel Biard et Philippe Bourdin, président et ancien président de la Société des études robespierristes. Il tente de rétablir la mesure dans le traitement historique du personnage, en réhabilitant son parcours, oeuvre d'utilité publique quand on connait l'acharnement auquel il a du faire face, sans tomber toutefois dans l'hagiographie et négliger la part d'ombre et de mystère de la principal victime des thermidoriens.

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    Ce livre se révèle donc plus qu'utile pour faire la part des choses et comprendre le besoin que nous avons aujourd'hui de retrouver à la fois un idéal commun et le goût de la droiture. C'est sur ces principes, en nous réappropriant la nation dans son acception universaliste, l'ordre républicain, le bien commun et sa gestion par l'Etat, que nous pourrons également convaincre de la nécessité du partage des richesses, d'une réorientation des valeurs vers l'humain et non l'argent et le profit. A défaut, dans la situation économique irrécupérable dans laquelle nous nous trouvons, face aux impensés, à l'inertie, à l'autisme, au carriérisme du personnel politique issu des partis de gouvernement, le risque est bien réel de voir émerger les forces de l'ombre, que l'on commence à créditer aujourd'hui, avec la complicité plus ou moins consciente de la machine politico-médiatique.

    Face à ce danger, il est plus qu'utile de revenir explorer le passé pour le comprendre, effacer les masques idéologiques et s'en servir pour avancer. Il ne serait pas vain par exemple, de se replonger dans la constitution de 1793 dont le moteur fut l'Incorruptible. Elle demeure le texte sans doute le plus démocratique écrit par des parlementaires. Nul doute que faire cet effort nous permettrait de réaffirmer avec force et entrain une devise qui a traversé le temps, trois mots utilisés pour la première fois par Robespierre dans un de ses discours : Liberté, Egalité, Fraternité.

     

    Robespierre : portraits croisés / sous la direction de Michel Biard, Philippe Bourdin. Paris : Armand Colin, 2013. 285 p.