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  • Tant va la girouette au vent...

    Vous avez remarqué ? Le vent a tourné. Brusquement...

    Il y a encore quelques semaines, la plupart des éditorialistes de ce pays, la majorité de son personnel politique insistaient sur la nécessaire adaptation, depuis trop longtemps retardée, de notre pays à la mondialisation. Sous entendu, à la mondialisation néolibérale, la seule possible, puisqu'obéissant aux lois immuables de la nature.

    Il y avait bien ces archaïques, dont votre serviteur, pour renâcler encore et encore, pour dénoncer l'idéologie toxique derrière un pragmatisme d'apparence, pour mettre en garde contre le mur qui se rapprochait toujours plus vite. Mais on les raillait, au nom de la modernité et du goût nécessaire et vital du risque capitaliste. On moquait leur conservatisme rétrograde (les acquis sociaux, pouah !), leur méfiance face aux mécanismes financiers complètement libérés depuis les années 80 (sous l'impulsion de certains socialistes en Europe : Camdessus, Delors... C'est néanmoins à Chirac et Balladur qu'on doit en 1986 les différentes lois de libéralisations, notamment celles touchant la finance).

    Le modèle à suivre était anglo-saxon, la doxa inspirée du consensus de Washington, les deux figures tutélaires, Reagan et Thatcher. L'Etat providence avait vécu, il n'était qu'un gouffre à impôts lésant les classes moyennes et pénalisant l'innovation et la création d'entreprise par ses lois rigides sur le travail et les charges indues qu'il exigeait. On passait sous silence les 65 milliards d'euros de subventions en tout genre versées en 2005 et dont les contreparties se sont fait attendre en vain.http://www.ac.eu.org/spip.php?article1565

    Les assistés ne sont pas tous logés à la même enseigne...

     

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    L'économie mixte à la française, comme ses pendants rhénans ou scandinaves était vouée aux oubliettes. Le fameux modèle français, né au lendemain de la deuxième guerre mondiale du travail du CNR était cloué au pilori. Fini la recherche d'un équilibre entre capitalisme et solidarité, entre liberté individuelle et libertés publiques, fini le rôle protecteur de l'Etat, fini de soustraire certains secteurs stratégiques aussi bien économiquement que socialement à la rentabilité, fini le bien commun.

    La gauche de gouvernement avait depuis bien longtemps cédé aux sirènes du néolibéralisme et privatisait à tour de bras, libéralisait à grande brassée, décrédibilisait l'impôt, pourtant clé de voûte de toute politique solidaire, assurait son soutien à l'Europe libérale. Cette dernière mettait en pratique avec diligence et la complicité des Etats, les dogmes économiques fondés sur l'entière liberté de circulation, y compris des capitaux (l'article III-56 du TCE , repris par Lisbonne, en interdit toute restriction).

    Il y eut un coup de semonce des lucides en 2005. Il ne fut pas entendu...

    Il y eut quelques Cassandre, des rebelles de la première heure comme Lordon ou Larrouturou dont j'ai déjà parlé sur ce blog, des ralliés plus tardifs, des repentis, comme Stiglitz ou Krugman et des anonymes comme moi-même, à mon petit niveau. Ils ne furent pas écoutés...

    Puis vint l'été 2007 et le premier coup de tonnerre lié aux subprimes. Mais l'orage allait passer à côté nous disait on, avec néanmoins quelques tressaillements inquiets qui juraient avec la belle assurance du propos.

    Enfin arriva Octobre 2008 et soudainement, face aux multiples attaques de foudre, le champ de girouettes a d'un seul mouvement d'ensemble viré de bord. On a lancé des anathèmes aux "talibans du marché" à Libération, on a fustigé l'idéologie néolibérale extrémiste aux Echos, journal peu suspect de gauchisme, on a célébré le retour de l'Etat aussi bien au Monde qu'au Figaro, pendant qu'au même moment les banquiers et autres traders, affolés comme un banc de mouettes dans la tempête, se prosternaient à ses genoux, réclamant une aumône de quelques centaines de milliards d'euros. Les caisses vides de la République les fournirent immédiatement. Il faut dire que rares sont les mendiants avec la force de persuasion des financiers : la bourse ou le chaos. La sécu et les services publics attendront...

     

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    Bien sûr le champion toute catégorie du retournement de veste est celui que je ne nomme pas. Il est aujourd'hui le premier des socialistes, le premier des éthiques, le premier des sauveurs. Celui qui réclamait de toute urgence l'instauration des prêts hypothécaires en France, ce pays frileux dont les foyers ne sont pas assez endettés, s'en va aujourd'hui en guerre contre le capitalisme amoral, celui des subprimes, celui qui s'effondre sous nos yeux, celui qu'il a défendu sans ambiguité, celui de ses amis d'hier. Ses amis d'aujourd'hui et de demain...

    Qui aujourd'hui peut apporter quelque crédit ( au moment où les banques les ont gelés) à la parole volatile de ces gens ? Tout ceci n'est bien sûr que du vent, celui qui fait tourner les girouettes, qui l'entretiennent, dans un mouvement perpétuel pour garantir un pouvoir perpétuel. Il est temps de faire tomber les girouettes de leur cîme...

     

  • Ma mie, la gente damoiselle

    En ce début Octobre, je m'en viens vous parler d'une bande-dessinée plus que sympathique : Mon amie la Poof, par Efix.

    De prime abord, ce n'était pas gagné. C'est un polar, ce n'est pas mon genre favori. C'est en noir et blanc, je préfère en général la couleur. Ca parle d'une poof, je déteste la vulgarité.

    Pourtant, j'ai énormément apprécié cette Bd, pétrie de qualité.

     

    Couverture_bd_9782849491355_mon_amie_la_poof.jpgLa poof, c'est Liv. Liv Shmidt (tiens, c'est curieux, j'ai l'impression d'avoir connu une nana qui portait ce nom...). Elle est née en France, pendant l'occupation, des amours austro-américaines d'un déserteur de la Wehrmacht et d'une ancienne étudiante étrangère à Paris restée sur place. La Libération et son allégresse offriront une coupe boule à zéro gratuite pour elle tandis que lui sera prié de vérifier l'efficacité des noeuds coulants (test validé). Liv grandira donc sans son père et avec une mère durablement éprouvée, qui ne laissera plus repousser ses cheveux pour que personne n'oublie. Enfance troublée donc pour notre héroïne, qui en développera un caractère bien trempé et porté sur les excès. Un coeur a vif que cette Liv, qui cache sacrément bien son romantisme derrière ses penchants pour l'alcool, les produits prohibés et les plaisirs charnels.

    Notre belle plante (forcément une poof, c'est pas dégueu physiquement la plupart du temps) a l'habitude de dire qu'elle est née à 22 ans, le jour où elle a quitté le Roubaix de ses tendres années pour le Paris agité de Mai 68. Elle y arrivera seule, sans projet et quasiment sans argent. Sa fortune, rarement bonne, se fera au gré de ses rencontres, rarement bien famées. Petit à petit la spirale de la marginalité et de la violence l'entrainera dans une existence sombre et tourbillonnante.

    Presque trente ans plus tard, son meilleur ami, Yvan, noir, gay, star du porno (c'est tout) se souvient de leur vie pendant tout ce temps. Tout sauf un fleuve tranquille...

    Mon amie la Poof, c'est d'abord un trait extrèmement attrayant, aux accents à la fois cartoon et réalistes, un mélange de dessin traditionnel en noir et blanc et d'infographie. Le tout donne une ambiance graphique très originale, très cinématographique, avec notamment de nombreux effets de flous, de superbes ciels nocturnes ou ennuagés générés par photoshop ou un de ses clones. La mise en cadre est très dynamique, les personnages très expressifs et les formes poofesques très voluptueuses. Efix a une patte artistique vraiment particulière et un vrai talent. Il nous gratifie parfois de belles planches en forme de clichés parisiens, avec de belles perspectives sur les monuments célèbres et les quartiers typiques de notre belle capitale lumière. En outre, la plupart des cases sont truffées de clin d'oeil et de détails humoristique qui décuplent le plaisir à la lecture de cette Bd.

    Parler d'humour est une habile transition pour en venir au ton du livre. En effet, bien que s'agissant d'un polar avec tout son cortège de gangsters, de policiers, de violence (souvent crue et mortelle), de sexe (cru et rarement mortel) et de grisaille quotidienne fendue d'excès en tout genre, Mon amie la poof est aussi très drôle. Rien que la personnalité brute de décoffrage de Liv est une source d'amusement parfois agacé, souvent attendri. C'est qu'il nous fait tomber habilement sous son charme rudoyant de poof écorchée vive, le gars Efix. J'ai déjà parlé des multiples références et petites touches drôlatiques cachées au fil des pages par le dessinateur et elles ajoutent vraiment au plaisir de la découverte, d'autant qu'elles se cachent un peu partout (saurez vous trouvez les tontons flingueurs ?)

     


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    © Petit à petit 2008 Efix

     

    Le scenario est également très travaillé, s'attachant à dérouler une histoire aux multiples rebondissements mais où tout se tient, à planter des personnages diversifiés, rarement aussi noir ou blanc que le dessin les fait apparaître : Moorad, le malfrat impétueux, Yvan le rasta rigolard, Monique, l'avocate de poche féministe etc...Et bien entendu, Liv, poof bien moins superficielle que nombre de grandes dames...

    Merci à Efix pour cette histoire mouvementée, souvent dure mais avant tout célébration de l'amitié et hommage appuyé aux femmes. Du coup les filles, la prochaine fois qu'on vous traite de poof, vous le prendrez bien ! ;o)


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    © Petit à petit 2008 Efix

     

    Mon amie la Poof existe en cinq tomes indépendants, de moyen format, agrémentés d'esquisses et de dessins préparatoires. Une intégrale très interessante par son prix et de dimensions plus grandes (18*25.5) est disponible depuis quelques mois en librairie. C'est cette dernière que je possède. La reliure sommaire (mais solide néanmoins) et la couverture souple patissent du faible coût de l'objet mais ce n'est pas grave, le plus important est à l'intérieur. Elle se conclue par différents hommages de collègues bédéistes à Efix et son oeuvre présente : c'est bien sympathique.

    A noter, qu'Efix a également fait paraître Putain d'usine, Bd engagée dont le titre évoque bien le propos. Elle est dans ma bédéthèque en attente d'être lue. Peut-être vous en parlerais-je lors d'un post politico-culturel.

     

     

    Mon amie la Poof /Efix-[Paris] : Petit à petit, 2008-496 p. - 20€